Un Paquet d'Aide pour les Plus Démunis

Publié: 2nd avril 2009

Page d'opinions

Comme l'a dit Rahm Emanuel, le secrétaire général du gouvernement Obama, « il ne faut jamais gâcher une crise grave ». Hors contexte, cette citation semble empreinte de désinvolture. Pourtant, Rahm Emanuel a raison. C'est dans les situations extrêmes que sont prises les décisions qui vont à l'encontre des intérêts politiques ordinaires à court terme.Ainsi, les gouvernements du Royaume-Uni, des États-Unis ou d'ailleurs endettent-ils lourdement leurs contribuables pour sauver les banques et le secteur financier, dépensant des sommes impensables en tant normal (à ce jour, au moins 8,4 trillions de dollars) pour réparer les dégâts causés par l’idéologie de la complaisance et par l'avidité. Transformer une crise en sources d'opportunités est plus qu'un simple slogan politique accrocheur. C'est l'occasion, pour les dirigeants présents à la réunion du G20 le 2 avril, de prendre des décisions à long terme dans l'intérêt des peuples et de la planète. Les catastrophes auxquelles font face les pays riches du G20 ne sont rien en comparaison avec celles qui menacent les pays les plus pauvres. Plus de 20 millions de personnes ont déjà perdu leur travail en Chine depuis le mois d'octobre. Selon les prévisions de la Banque mondiale, 53 millions de personnes sont retombées dans la pauvreté, en plus des 150 millions qui avaient été touchés par la crise alimentaire l'année dernière. L'OIT envisage, quant à elle, 200 millions de pertes d'emploi. Alors que ce sont les pays riches qui ont créé cette énorme crise, ce sont les pays pauvres qui seront les plus touchés, et pendant bien plus longtemps. Ils souffrent déjà de l'effondrement des remises de fonds, du cours des matières premières, du taux de change, de l'accès au crédit, du volume des échanges commerciaux et du taux de l'échange international. Dans la seule année 2008/09, les pays en développement ont perdu 750 milliards de dollars sur leur PIB et 800 millions de dollars de rentrées de capitaux.Pour les millions de personnes qui comptent parmi les plus démunies au monde, et en particulier pour les femmes et les enfants, les résultats du G20 à Londres sont une question de vie ou de mort. En outre, un nombre encore plus élevé de personnes voient leurs droits humains menacés, tels que leur droit au logement ou à l'éducation. Un accroissement de la pauvreté posera aussi une menace à la sécurité mondiale, favorisant les tensions sociales et les conflits. Certains gouvernements pourraient alors recourir à des méthodes musclées pour étouffer les dissensions et l'agitation sur les lieux de travail, comme nous l'avons vu l'année dernière lors des protestations liées à la crise alimentaire. De surcroît, les espoirs pour un accord mondial sur le climat à Copenhague semblent s'être amoindris. Il ne nous reste pourtant que 100 mois pour réduire nos émissions de carbone, avant que les effets potentiellement catastrophiques du changement climatique ne deviennent irréversibles. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de voir cet accord échouer.Le vrai défi pour les dirigeants des pays du G20 est d'épouser une nouvelle manière de faire de la politique. Ils doivent aller au-delà des démarches habituellement nationalistes et compétitives qu'ils adoptent lors des négociations internationales. Nous avons besoin de collaboration, et non d'une stratégie de la corde raide. Nous avons besoin de penser, de planifier et de nous engager sur le long terme, au niveau mondial. Il est particulièrement important que les pays du G20, qui ne sont pas tant une Coalition des Volontaires qu'une Coalition des Pays Spécialement Invités, gardent à l'esprit que, même s'ils représentent 85 % de l'économie mondiale, leurs actions affecteront 170 pays qui ne sont pas représentés, et parmi ceux-ci les plus pauvres et les plus vulnérables. Stabiliser et raviver l'économie mondiale doit être la priorité à court terme. Toutefois, l'objectif le plus important - et qui présente le plus d'opportunités - doit être de protéger l'environnement et de garantir les droits fondamentaux des personnes, tels que l'alimentation, l'éducation, le logement, la santé, un travail décent et des moyens de subsistance durables. Il faut reconstruire l'économie mondiale sur un modèle qui soit meilleur que le précédent. Nous avons en outre besoin d'une impulsion politique qui aura à cœur de promouvoir les libertés essentielles et de demander des comptes aux gouvernements et aux entreprises. Les mesures de stimulation de l'économie doivent être fondées sur un souci d'égalité et de sécurité. Elles doivent avoir une portée mondiale, et non être destinées uniquement aux pays riches. L'ONU a demandé qu'1 % de toutes les sommes dépensées pour stimuler les économies soient consacré aux pays en développement. Des politiques efficaces visant à accroître les dépenses portant sur la protection sociale, les infrastructures, l'agriculture et le capital humain permettraient de remettre les pays pauvres sur le chemin de la croissance durable et de les empêcher ainsi de tomber dans une spirale de pauvreté et d'endettement. Selon les estimations, une assistance d'un montant minimum de 41 milliards de dollars serait nécessaire pour les pays à faible revenu (en se basant sur des mesures de stimulation de l'économie représentant 5 % de leur PIB). Même s'il on ajoute cette somme aux 50 milliards de dollars d'aide supplémentaires promis par le G8 à Gleneagles d'ici 2010, le total obtenu reste plus de deux fois inférieur à l'ensemble des sommes dépensées pour renflouer AIG. L'on estime aussi que les pays développés devraient s'engager à dépenser au moins 140 milliards de dollars d'argent public pour permettre la transition des pays en développement vers l'utilisation de technologies propres, pour freiner rapidement la destruction de la forêt tropicale et pour aider les communautés les plus pauvres à s'adapter aux changements climatiques inévitables. La réunion du G20 devrait ainsi stimuler le passage vers une économie sans carbone. Les sommes nécessaires sont immenses et pourtant elles ne représentant qu'une fraction des sommes destinées au sauvetage des institutions bancaires. Il n'est donc plus acceptable que toutes ces questions soient laissées de coté à cause de leur coût. Nous sommes solidaires des appels qui demandent la réforme des conseils d'administration de la Banque mondiale et du FMI. Nous accueillons aussi favorablement les propositions récentes visant à modifier les conditionnalités des prêts accordés par le FMI, qui obligent actuellement les pays pauvres à réduire les services essentiels offerts à leurs citoyens. Il est tout aussi primordial que le G20 agisse de manière concertée contre les paradis fiscaux et la corruption. Les dirigeants mondiaux doivent nous faire espérer et croire que ces opportunités peuvent être saisies, si leur engagement est entier et s'ils agissent sans plus tarder. Le Président Obama a été élu car il a su convaincre des millions de personnes que le changement était possible. Ce genre d'espoir est essentiel pour vaincre la crise de confiance actuelle qui paralyse le monde. Ce n'est qu'en affichant la volonté de résoudre ces problèmes avec ambition, justice et rapidité que nos dirigeants politiques pourront regagner la confiance du public.Signé par:Irene Khan – Secrétaire Générale, Amnesty InternationalDr. Gerd Leipold – Directeur Exécutif, Greenpeace InternationalJeremy Hobbs – Directeur Exécutif, Oxfam InternationalDr. Dean Hirsch – Président International, World Vision InternationalDr. Robert Glasser – Secrétaire Général, Care InternationalCharlotte Petri Gornitzka – Secrétaire Générale, International Save the Children AllianceNigel Chapman – Directeur Général, Plan InternationalRamesh Singh – Directeur Général, Action Aid

Alors que ce sont les pays riches qui ont créé cette énorme crise, ce sont les pays pauvres qui seront les plus touchés, et pendant bien plus longtemps

Notes aux rédactions


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