L'éradication de la pauvreté ne doit pas nécessairement nuire à l'environnement

Publié: 13th février 2012

Selon un nouveau rapport publié aujourd'hui par l'organisation internationale Oxfam, la lutte contre la pauvreté n'accroît pas nécessairement les pressions exercées sur les ressources naturelles de la planète.

Pour l'auteure du document, Kate Raworth, les deux grands types de limites au bien-être de l'humanité – "sociales" (la faim, les inégalités et la maladie, notamment) et "planétaires ou environnementales" (le changement climatique et la perte de biodiversité, par exemple) – sont inextricablement liées. Il importe donc de s'attaquer de front à l'indigence humaine et à la dégradation de l'environnement.

"Il suffit d'adopter une vue d'ensemble pour comprendre qu'il est possible d'éradiquer la pauvreté alimentaire, énergétique et financière sans trop peser sur les limites de la planète, explique Kate Raworth. Toute vision du développement durable doit reconnaître que la lutte contre la pauvreté et les injustices sociales se trouve inextricablement liée à la stabilité écologique et au renouvellement des ressources naturelles."

Oxfam a publié le document de réflexion intitulé "Un espace sûr et juste pour l'humanité – Le concept du donut" afin de contribuer au débat à l'approche de la conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20) en juin prochain. Ce document propose une nouvelle approche du développement économique dans le respect des limites environnementales et sociales. Sans représenter les positions d'Oxfam, les documents de réflexion d'Oxfam visent à encourager le débat public.

Le Stockholm Resilience Centre a initialement publié le concept de neuf limites planétaires, au-delà desquelles la dégradation de l'environnement atteint un degré inacceptable. Kate Raworth y adjoint le concept de limites sociales sous lesquelles les privations humaines sont inacceptables.

Ces deux ensembles forment une zone – évoquant le beignet en forme d'anneau appelé "donut" – qui délimite l'espace sûr au plan l'environnemental et juste au plan social dans lequel l'humanité pourrait prospérer. Ce simple cadre visuel associe les priorités sociales, environnementales et économiques qui sous-tendent un développement durable et inclusif.

Limites planétaires et sociales : un espace sûr et juste pour l'humanité

Graphique sur les limites planétaires et sociales - un espace sûr et juste pour l'humanité

Source : Oxfam. Les 11 dimensions du plancher social ont valeur d'exemples et se fondent sur les priorités des États pour Rio+20. Les neuf dimensions du plafond environnemental correspondent aux limites planétaires décrites par Rockström et ses collègues du Stockholm Resilience Centre (2009).

Les données montrent que nous sommes loin de vivre dans les limites dudit "donut". Selon les estimations de Kate Raworth, l'humanité se situe bien en-deçà du plancher social pour au moins huit des onze limites sociales. Près de 900 millions de personnes souffrent de la faim, 1,4 milliard vivent avec moins de 1,25 dollar par jour et 2,7 milliards ne disposent pas d'installations de cuisson salubres et non polluantes.

En parallèle, le plafond environnemental a d’ores et déjà été dépassé pour au moins trois des neuf limites de la planète – en matière de changement climatique, de perte de biodiversité et de consommation d'azote.

Selon ce document de réflexion, le développement économique doit viser à amener l'humanité entière à vivre dans un espace sûr et juste, c'est-à-dire à mettre fin à l'indigence tout en maintenant la consommation des ressources naturelles à un niveau sans danger. Les politiques traditionnelles de croissance n'ont guère été fructueuses sur ces deux plans : les personnes en situation de pauvreté ne bénéficient que trop peu de la croissance du PIB tandis que l'augmentation du PIB se fait trop largement au prix de la dégradation des ressources naturelles.

"Les enjeux environnementaux, sociaux et économiques sont traités séparément depuis trop longtemps, insiste Kate Raworth. L'exacerbation des problèmes posés dans le monde par le changement climatique, les crises financières, la volatilité des prix alimentaires et le renchérissement des produits de base montre cependant l'inévitable corrélation de ces enjeux et la nécessité de les aborder ensemble."

Il ressort de ce document que la lutte contre la pauvreté ne doit pas nécessairement forcer les limites planétaires.

  • Alimentation : pour fournir les calories supplémentaires dont ont besoin les 13 % de la population mondiale souffrant de la faim, il suffirait de 1 % de l'actuel approvisionnement alimentaire mondial.
  • Énergie : fournir en électricité les 19 % de la population mondiale qui n'en ont pas à l'heure actuelle entraînerait une augmentation des émissions mondiales de CO2 de moins de 1 %. 
  • Revenus : pour mettre fin à la pauvreté financière des 21 % de la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, il suffirait de 0,2 % des revenus mondiaux.

Selon le rapport, la pression sur l'environnement vient en réalité de la surconsommation des ressources naturelles par les quelque 10 % les plus riches de la population mondiale – renforcée par les aspirations d'une classe moyenne en pleine croissance qui cherche à reproduire les modes de vie non durables.

Ce document de réflexion est publié dans le cadre de la campagne Cultivons d'Oxfam qui vise à créer un avenir meilleur et à assurer la sécurité alimentaire et la prospérité de toutes et tous dans un monde aux ressources limitées.

Il suffit d'adopter une vue d'ensemble pour comprendre qu'il est possible d'éradiquer la pauvreté alimentaire, énergétique et financière sans trop peser sur les limites de la planète
Kate Raworth
Chercheuse senior, Oxfam

Notes aux rédactions

1. Télécharger Un espace sûr et juste pour l'humanité – Le concept du "donut"
2. Blog de Kate Raworth sur "l'économie du donut
3. Selon Rockström et ses collègues du Stockholm Resilience Centre, les neuf limites essentielles au maintien de la planète dans un état de stabilité sont : le changement climatique, la perte de biodiversité, l'évolution de l'utilisation du foncier, la consommation d'eau douce, les cycles de l'azote et du phosphore, l'acidification des océans, la pollution chimique, la concentration d'aérosols atmosphériques et la réduction de la couche d'ozone. 
4. Les 11 dimensions du "plancher social" énoncées dans le document se fondent sur les priorités sociales des États pour Rio+20 : sécurité alimentaire, revenus, eau et assainissement, soins de santé, éducation, énergie, égalité entre les sexes, équité sociale, liberté politique et d'expression, emploi et résilience.

Contact

Tricia O'Rourke, Chargée media - Campagne CULTIVONS
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