Le changement climatique, notre pire ennemi dans la lutte contre la faim

Publié: 25th mars 2014

Le changement climatique risque de ramener la lutte contre la faim plusieurs dizaines d’années en arrière, mais notre système alimentaire mondial n’est absolument pas en mesure de faire face à ce défi, prévient aujourd’hui Oxfam. L’organisation lance cet avertissement le jour même où la communauté internationale se réunit au Japon pour adopter un nouveau rapport scientifique de premier plan qui devrait montrer que le changement climatique ébranlera la sécurité alimentaire plus gravement et plus rapidement que l’on ne pensait.

Dans un nouveau document d’information intitulé « Faim et réchauffement climatique, même combat », Oxfam analyse dix facteurs clés qui auront une influence grandissante sur la capacité des pays à nourrir leurs populations dans un contexte de réchauffement climatique. Dans ces dix domaines, Oxfam a relevé des écarts importants entre ce que font les États et ce qu’ils devraient faire pour protéger nos systèmes alimentaires. L’étude montre en outre que, parmi les nombreux pays – riches ou pauvres – qui ne sont pas prêts à faire face à l’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire, les moins préparés et les plus vulnérables sont ceux qui se trouvent plus particulièrement en situation de pauvreté et d’insécurité alimentaire.

Voici les dix « déficits » ou domaines dans lesquels un manque d’action compromettra la capacité de l’humanité à se nourrir dans un contexte de réchauffement climatique :

1.    Financement international de l’adaptation (score : < 1/10) :  les pays riches ont promis d’aider les pays pauvres à s’adapter aux changements climatiques, mais n’ont versé qu’environ 2 % des financements nécessaires.

2.    Irrigation des cultures (score : < 1/10) : en Californie, plus de 80 % des terres arables sont irriguées. Au Niger, au Burkina Faso et au Tchad, où les agricultrices et agriculteurs sont confrontés à des épisodes cycliques de sécheresse, ce chiffre n’atteint pas 1 %.

3.    Assurance-récolte (score : < 2/10) : dans des pays pauvres comme le Malawi, moins de 1 % des agricultrices et agriculteurs ont une assurance-récolte, contre 91 % aux États-Unis. Il leur est donc plus difficile de surmonter les chocs climatiques qui détruisent leurs récoltes.

4.    Recherche et développement agricole (score : 2/10) :  la diversité des semences dans le monde a diminué de 75 % au cours des cent dernières années, ce qui a privé les agricultrices et agriculteurs de variétés mieux adaptées aux changements des conditions météorologiques. Les pays pauvres consacrent à la R&D agricole un sixième des sommes investies par les pays riches dans ce domaine.

5.    Protection sociale (score : 3/10) : seulement 20 % de la population mondiale a accès à des programmes appropriés de protection sociale, tels que la gratuité des repas scolaires ou les transferts monétaires, lorsque les denrées alimentaires deviennent rares ou trop chères.

6.    Prévisions météorologiques (score : 3/10) : les informations fournies par les stations météorologiques permettent aux agricultrices et agriculteurs d’éviter de mauvaises récoltes. En Californie, on trouve une station tous les 2 000 km2. Au Tchad, il y en a une tous les 80 000 km², soit environ la superficie de l’Autriche.

7.    Discrimination entre les femmes et les hommes (score : 5/10) : dans les pays en développement, les femmes représentent 43 % de la main-d’œuvre agricole, mais la discrimination dont elles font l’objet limite leur capacité d’adaptation. Par exemple, possédant rarement les terres qu’elles cultivent, les femmes peuvent difficilement modifier leurs méthodes de culture pour faire face aux changements climatiques.

8.    Réserves alimentaires (score : 5/10) : les réserves mondiales de céréales se trouvent à des niveaux historiquement bas. La destruction des cultures par des conditions météorologiques extrêmes ou irrégulières dans des régions productrices clés peut entraîner la flambée des prix alimentaires et, partant, des crises alimentaires majeures.

9.    Investissements agricoles (score : 7/10) : seuls quatre des vingt pays africains étudiés ont tenu leur engagement de consacrer 10 % de leur budget national à l’agriculture.

10.    Aide humanitaire (score : 6/10) : le changement climatique pourrait entraîner une multiplication des crises alimentaires, mais l’aide humanitaire ne suffit déjà pas à répondre à la demande. L’écart entre les montants de l’aide nécessaire et de l’aide fournie a triplé depuis 2001.

L’analyse d’Oxfam attire en outre l’attention sur une série de pays qui, tels le Ghana, le Viet Nam et le Malawi, vont à l’encontre de la tendance générale en prenant des mesures dans des domaines comme la protection sociale, l’irrigation des cultures et l’investissement agricole. C’est ainsi qu’en matière de sécurité alimentaire, ils parviennent à devancer des pays présentant des niveaux de revenu et un risque climatique comparables, comme le Nigeria, le Laos et le Niger.

« Le changement climatique est notre pire ennemi dans la lutte contre la faim, estime Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam International. Il pourrait avoir des conséquences graves sur notre alimentation à toutes et tous, mais le monde n’est absolument pas en mesure de faire face à ce défi.

« La faim n’est pas une fatalité, rappelle-t-elle. Si les gouvernements prennent des mesures contre le changement climatique, il sera encore possible d’éradiquer la faim au cours des dix prochaines années et d’assurer que nos enfants et petits-enfants pourront manger à leur faim pendant la seconde moitié de ce siècle.

« On ne doit pas nécessairement faire sauter la banque pour financer l’adaptation aux changements climatiques. Les besoins des pays pauvres en matière d’adaptation sont estimés à environ 100 milliards de dollars par an, ce qui ne représente que 5 % des richesses des 100 plus grandes fortunes du monde », affirme Winnie Byanyima.

Déjà cette année, au Brésil, la pire sécheresse de ces dix dernières années a anéanti les cultures dans le grenier du pays, y compris la précieuse récolte de café. Aux États-Unis, la pire sécheresse que la Californie ait connue depuis plus d’un siècle est en passe de décimer les cultures à travers cet État qui représente près de la moitié de la production américaine de légumes, de fruits et d’oléagineux.

Faute de prendre des mesures dans les plus brefs délais pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les effets du changement climatique continueront de s’aggraver. Selon les estimations, le changement climatique pourrait porter le nombre d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition à 25 millions en 2050, ce qui correspond au nombre d’enfants de moins de cinq ans que comptent les États-Unis et le Canada réunis.

Le cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dont la publication est prévue ce 31 mars, devrait selon toute attente attirer l’attention sur le fait que le changement climatique va entraîner une baisse des rendements agricoles mondiaux pouvant atteindre 2 % tous les dix ans, tandis que la demande alimentaire augmentera de 14 % dans le même temps. Le rapport devrait également mettre en garde contre la montée des prix alimentaires et l’accroissement de leur volatilité. De fait, Oxfam estime que les cours mondiaux des céréales risquent de doubler à l’horizon 2030, cette augmentation étant pour moitié imputable au changement climatique. Le GIEC devrait faire valoir que, si une augmentation de seulement 1,5 °C de la température moyenne de la planète aura de graves répercussions sur notre système alimentaire, au-delà d’un seuil de 3 ou 4 °C, nous subirons de terribles crises alimentaires à l’échelle mondiale. Or nous sommes partis pour franchir ce seuil au cours de la seconde moitié de ce siècle.

Oxfam appelle les États et les entreprises à prendre sans plus tarder les mesures qui s’imposent pour empêcher le changement climatique d’aggraver la faim dans le monde : renforcement de la résilience des communautés face à la faim et au changement climatique, réduction des émissions de gaz à effet de serre et établissement d’accords internationaux pour lutter contre le changement climatique et la faim. Toute personne peut se joindre à la campagne internationale contre la faim causée par le changement climatique à l’adresse suivante : www.oxfam.org/justiceclimatique

Si les gouvernements prennent des mesures contre le changement climatique, il sera encore possible d’éradiquer la faim au cours des dix prochaines années.
Winnie Byanyima
Directrice générale d’Oxfam International

Notes aux rédactions

Des expert-e-s peuvent donner des interviews au Japon, à la conférence du GIEC, et à travers le monde.

Téléchargez le document d’information d’Oxfam, intitulé « Faim et réchauffement climatique, même combat »

Les données sur la base desquelles Oxfam a évalué les dix « déficits » peuvent être téléchargées à l’adresse suivante : http://oxf.am/iwb

Contact

Sue Rooks, +1 917 224 0824 ou sue.rooks@oxfaminternational.org