La moitié des milliards « privés » cachés dans les paradis fiscaux pourrait permettre d’éradiquer l’extrême pauvreté

Publié: 22nd mai 2013

Les pays de l’UE sont les principaux responsables

Les dirigeants de l’Union européenne qui se rencontrent aujourd’hui à Bruxelles doivent s’accorder sur une action immédiate pour sévir contre l’évasion fiscale. Mais ils doivent commencer par balayer devant leur porte. Il ressort d’une nouvelle étude de l’organisation internationale Oxfam que les deux tiers de l’argent caché par des personnes fortunées se trouvent dans des paradis fiscaux liés à l’Union européenne (UE).

Des milliards cachés aux populations d’ici et des pays les plus pauvres

Oxfam estime qu’au moins 18 500 milliards de dollars (14 000 milliards d’euros) sont cachés par des particuliers fortunés dans des paradis fiscaux à travers le monde. Ceci représente une perte de plus de 156 milliards de dollars (120 milliards d’euros) de recettes fiscales pour les gouvernements. Alors que les citoyens des pays riches et pauvres souffrent de l’austérité à travers les déficits budgétaires nationaux, cet argent caché pourrait fournir un financement rapide pour les services publics essentiels comme la santé et l’éducation, au Nord comme au Sud. Cet argent manquant représente le double de la somme requise pour que chaque personne dans le monde puisse vivre avec plus d’un 1,25 dollar par jour, le seuil « d’extrême pauvreté ».

Natalia Alonso, directrice du bureau européen d’Oxfam, a déclaré : « Il est scandaleux que nos gouvernements permettent à autant d’argent échapper à l’impôt, laissant tranquille ceux qui peuvent le plus se permettre de payer pour les biens et services publics. La plupart des gouvernements prétendent ne pas avoir d’autre choix que de baisser l’aide au développement et de sabrer dans les dépenses publiques, mais nous avons trouvé qu’imposer la moitié de l’argent «privé» caché pourrait mettre fin à l’extrême pauvreté dans le monde ».

Les principaux coupables, les pays européens

Oxfam a constaté que les deux tiers de cette richesse mondiale offshore, plus de 12 000 milliards de dollars (9 500 milliards d’euros), étaient cachés dans des paradis fiscaux liés à l’UE. Les paradis fiscaux situés dans l’UE ou étant sous sa juridiction, comme le Luxembourg, Andorre et Malte, participent à la perte de plus de 100 milliards de dollars (80 milliards d’euros) de recettes fiscales à travers le monde. Le Royaume-Uni et ses dépendances représentent à eux seuls plus de la moitié de ce montant, ce qui en fait de loin le plus grand coupable parmi les pays de l’UE, mais en aucun cas le seul.

« Les dirigeants européens n’ont absolument aucune excuse pour ne pas agir alors qu’une telle proportion de cet argent est caché juste sous leur nez dans des paradis fiscaux dont ils sont responsables », ajoute Natalia Alonso. « Ils pourraient être accusés à juste titre d’hypocrisie, surtout vu que certains d’entre eux ont multiplié les déclarations sur le sujet. Il est temps pour l’Union européenne de se ranger du côté de ses citoyens ordinaires, plutôt que de quelques privilégiés. Sa crédibilité est en jeu ».

« À moins que l’UE n’accepte de publier une liste noire des paradis fiscaux et de prendre des mesures de rétorsion claires, nous n’obtiendrons pas grand-chose de la part de nos dirigeants. Il est scandaleux que les États-Unis aient déjà mis sur liste noire certains États membres de l’UE, comme le Luxembourg ou Chypre, mais que l’UE n’ait toujours rien fait ».

Il est scandaleux que nos gouvernements permettent à autant d’argent échapper à l’impôt, laissant tranquille ceux qui peuvent le plus se permettre de payer pour les biens et services publics.
Natalia Alonso
Directrice du bureau européen d’Oxfam

Notes aux rédactions

  • Selon Christian Aid, l’évasion fiscale des entreprises fait perdre aux pays pauvres 160 milliards de dollars par an.

  • Mettre fin à l’extrême pauvreté signifierait procurer à chaque personne dans le monde un revenu minimum de 1,25 dollar par jour. Selon le Brookings Institute (États-Unis), cela coûterait 66 milliards de dollars.

Explication des chiffres d’Oxfam


Pour calculer la richesse totale détenue par des personnes physiques dans les paradis fiscaux :

  • Oxfam a estimé que 19,5 % des dépôts mondiaux sont détenus par des étrangers dans des paradis fiscaux. Le chiffre de 19,5 % se fonde sur des données recueillies auprès des sources suivantes : les examens trimestriels (des avoirs extérieurs des banques dans une série de paradis fiscaux) de la Banque des règlements internationaux (BRI) ainsi que les estimations des autorités nationales comme la Banque centrale néerlandaise et le FMI de la conformité de certains pays aux normes anti-blanchiment.

  • Nous avons ensuite appliqué le chiffre de 19,5 % à tous les actifs, car il n’y a pas de données fiables disponibles concernant le ratio des autres actifs financiers. Les taux d’imposition sont généralement les mêmes pour les différentes classes d’actifs (comme c’est le cas avec les revenus du capital, par exemple) ce qui signifie qu’il n’y a pas d’incitation à privilégier d’autres actifs au détriment des dépôts.

  • Les 19,5 % est toutefois une estimation prudente en soi, car, les déposants nationaux pourraient tout aussi bien être aussi des déposants étrangers mais ayant des « façades » nationales. Le manque de transparence rend impossible de différencier les deux.

  • Le rapport du Crédit Suisse « Global Wealth » estime que la richesse financière nette totale était de 94 700 milliards de dollars (hors immobilier) en 2012. Avec la proportion de 19,5 %, nous nous retrouvons avec un total de 18 500 milliards de dollars détenus en dehors du territoire.


Comment Oxfam a calculé le chiffre de 156 milliards de dollars :

  • Nous avons uniquement étudié les actifs offshore qui ne sont pas déclarés à l’administration fiscale (en supposant que les actifs déclarés sont imposés). Helvea estime que les actifs déclarés ne représentent que 16 %, ce que nous laisse un montant de 15 540 milliards de dollars (84 % de 18 400 milliards de dollars).

  • Nous avons ensuite examiné le rendement des actifs (l’« intérêt ») généré par cet argent présent sur des comptes bancaires offshore. Nous utilisons un rendement prudent, mais approprié, de 3,5 % en se fondant sur le rapport 2013 du Crédit Suisse Investment (qui affirme que les fonds équilibrés et les fonds obligataires offriraient des rendements réels de 2 %. Pour obtenir des rendements nominaux nous ajoutons l’inflation américaine de 1,5 %). Il s’agit d’une estimation prudente, car le taux d’inflation actuel est faible (il s’agit d’un taux actuel faible, plutôt qu’une moyenne plus élevée que les taux récents), et il est inférieur aux rendements moyens annoncés à leurs clients par les fonds privés.

  • Enfin, nous avons examiné les taux d’imposition des actifs étrangers dans chaque pays tels que rapportés dans le World Wide Tax Summary de PwC, calculé chacun individuellement et ensuite additionné les résultats obtenus. Le total est de 156 310 milliards de dollars.

Qu’est-ce qu’un paradis fiscal :

Oxfam a utilisé la liste des 50 « juridictions offshore » établies par l’Accountability Office du gouvernement américain à laquelle elle a ajouté deux autres importants paradis fiscaux : le Delaware et les Pays-Bas. Parmi ces juridictions, 21 sont des pays liés à l’UE et 10 au Royaume-Uni (Anguilla, les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, Gibraltar, Guernesey, l’Île de Man, Jersey, Montserrat et les îles Turques-et-Caïques).

Contact

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