Le manque d’ambition en matière de réduction des émissions de CO2 risque de coûter des centaines de milliards de dollars aux pays en développement

Publié: 25th novembre 2015

Les pays en développement doivent déjà faire face au coût économique du changement climatique. Faute d’engagements de réduction des émissions plus ambitieux, ils risquent de crouler sous des coûts d’adaptation de près de 800 milliards de dollars par an d’ici à 2050 ou le double en pertes économiques annuelles.

Dans le rapport Accord de Paris sur le climat : ce qui peut changer la donne, publié en amont de la COP21, Oxfam énonce les sept jalons nécessaires pour parvenir, lors du sommet de Paris, à un accord qui protège mieux les populations pauvres du changement climatique.

L’ONG internationale révèle que, si le réchauffement de la planète devait atteindre 3 °C au lieu des 2 °C espérés, les efforts d’adaptation coûteraient chaque année aux pays en développement 270 milliards de dollars de plus, pour un total de 790 milliards de dollars par an d’ici à 2050. Autrement dit, les besoins financiers des pays en développement pour se protéger du changement climatique augmenteraient de plus de 50 % par rapport au scénario à 2 °C visé par les chefs d’État et de gouvernement qui s’apprêtent à se réunir à Paris pour la conférence des Nations unies sur le changement climatique.

Dans le cas d’une augmentation de 3 °C de la température moyenne de la planète, les pays en développement risqueraient également de subir des pertes économiques de 1 700 milliards de dollars par an, d’ici le milieu de ce siècle. C’est 600 milliards de plus que si le réchauffement était limité à 2 °C, soit quatre fois plus que l’aide au développement versée l’an dernier par les pays riches.

« La mobilisation pour un accord sur le climat monte en puissance, mais les propositions sur la table restent jusqu’à présent insuffisantes, explique Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam. Le rapport que nous publions aujourd’hui montre l’ampleur du défi posé par le changement climatique pour les plus pauvres de ce monde, qui ne sont cependant pas responsables du problème.

 « Les chefs d’État et de gouvernement doivent passer à la vitesse supérieure. Il faut réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre et mobiliser des financements supplémentaires pour permettre aux communautés vulnérables, déjà confrontées à des inondations et des sécheresses imprévisibles, ainsi qu’à la faim, de s’adapter et de survivre. Le coût humain du changement climatique devra être au cœur des débats à Paris, si nous voulons obtenir un accord sur le climat qui répond mieux aux besoins des populations pauvres. »

Si l’ensemble du financement public de l’adaptation actuellement versé était réparti entre les 1,5 milliard d’agriculteurs paysans et familiaux des pays en développement, ces hommes et ces femmes recevraient environ 3 dollars chacun par an pour se protéger des inondations, des fortes sécheresses et autres phénomènes extrêmes – le prix d’un café dans de nombreux pays riches.

Les engagements de réduction des émissions annoncés par plus de 150 pays, les dites « contributions prévues déterminées au niveau national » (INDC), devraient constituer la pierre angulaire de l’accord de Paris. Mais même si ces objectifs sont atteints, la planète connaîtra probablement un réchauffement catastrophique d’environ 3 °C. Cela malgré l’objectif de 2 °C que s’est fixé l’ONU, sans parler du seuil de 1,5 °C préconisé par Oxfam et plus de 100 pays en développement.

Les engagements actuels en matière de financement de la lutte contre le changement climatique pour aider les pays pauvres à s’adapter et à poursuivre un développement sobre en carbone expireront dès 2020. Or les négociations n’ont guère progressé sur la définition des sommes qui seront disponibles après cette date. Cette question devra être réglée en priorité à Paris. Davantage de fonds sont également nécessaires pour honorer la promesse faite il y a six ans, à Copenhague, de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Une plus grande part de ces fonds doit en outre être destinée aux efforts d’adaptation, qui demeurent terriblement sous-financés. Selon les estimations d’Oxfam, le financement public de la lutte contre le changement climatique se situait à environ 20 milliards de dollars en moyenne en 2013-2014, alors que seulement 3 à 5 milliards étaient consacrés à l’adaptation. On est loin des 50 % qu’Oxfam considère comme le minimum nécessaire.

Dans son nouveau rapport, Oxfam montre que le contexte international a changé depuis l’« échec » des négociations à Copenhague. Notamment, l’accord conclu entre États-Unis et la Chine a apporté un nouveau souffle dans les négociations sur le changement climatique. Les énergies renouvelables ont connu un développement spectaculaire. De hautes personnalités, telles que Ban Ki-moon, le pape François et des dignitaires musulmans, ont rappelé la nécessité d’un accord ambitieux. Les annonces des INDC, qui préfigurent l’accord, sont également un élément important, même si ce sont les pays en développement, y compris l’Inde et la Chine, qui ont pour la plupart atteint, voire dépassé, une contribution que l’on peut considérer équitable aux efforts promis de réduction des émissions. Les pays les plus riches du monde doivent en faire davantage.

Le rapport souligne également les améliorations qu’il sera encore possible d’apporter, lors du sommet de Paris, pour parvenir à un accord qui répond mieux aux besoins des populations pauvres, notamment :

  • Comblement du manque de financement pour aider les pays à s’adapter, soit en convenant qu’au moins la moitié des financements publics sera destinée à l’adaptation, soit en fixant un objectif clair d’au moins 35 milliards de dollars d’ici à 2020 et d’au moins 50 milliards à l’horizon 2025.
  • Intervention de nouveaux contributeurs au financement de la lutte contre le changement climatique, outre les traditionnels pays riches, notamment la Russie, la République de Corée, le Mexique, l’Arabie saoudite et Singapour.
  • Adoption d’un mécanisme de révision qui engage les États à accroître le niveau global d’ambition en matière de réduction des émissions à partir de 2020, puis tous les cinq ans, afin d’éviter l’emballement du changement climatique.
  • Adoption d’un objectif à long terme par lequel les pays riches montrent l’exemple en matière de sortie des énergies fossiles.
  • Amélioration de la prévisibilité d’un financement climat croissant, afin que les pays en développement puissent planifier leurs efforts d’adaptation et de développement en sachant sur quel soutien financier ils peuvent compter.
  • Annonce de nouvelles sources de financement climat, telles que le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, afin de mettre fin au détournement de l’aide au développement vers la lutte contre le changement climatique.
  • Dispositions relatives aux pertes et dommages, garantissant que les populations pauvres reçoivent le soutien nécessaire lorsque les possibilités d’adaptation sont dépassées.

« L’accord de Paris doit être une base solide pour l’action internationale contre le changement climatique à l’avenir, insiste Winnie Byanyima. Plus les besoins des populations pauvres y occuperont une place centrale, plus il sera solide. »

Oxfam réclame une mobilisation plus importante de financements climat, notamment pour l’adaptation et les femmes, qui en ont le plus besoin. L’organisation appelle également à plus d’ambition en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Notes aux rédactions

Pour obtenir le rapport, cliquez ici.

Liens vers des photos et témoignages illustrant le coût humain du changement climatique :

Viet Nam – Problèmes d’érosion côtière et de salinisation des terres, et recours à l’énergie renouvelable par les communautés

Laos – Adaptation des riziculteurs/trices au changement climatique

Cambodge – Villageois-e-s menacé-e-s d’expulsion suite à la construction d’un nouveau barrage devant inonder la vallée

Honduras – Conséquence de la rouille du café sur les caféiculteurs/trices 

Notes aux rédactions :

Oxfam a commandé cette étude à Climate Analytics. Les résultats du modèle AD-RICE ont été ajustés à la valeur du dollar en 2012. Pour obtenir les projections, différentes hypothèses ont été intégrées au modèle, par exemple : nombre de secteurs, possibilités d’adaptation, fonction de dommage (représentation mathématique des pertes financières selon les futurs niveaux de réchauffement induit par le changement climatique) et taux d’actualisation (pour déterminer la valeur actuelle des futurs flux monétaires). Les projections du modèle sont sensibles à tout changement de paramètre. Les résultats doivent donc être considérés comme un ordre de grandeur, par opposition à une estimation précise. C’est pourquoi les chiffres cités sont arrondis à la dizaine de milliards la plus proche. Voici les chiffres exacts ressortis du modèle : en 2050, les pays en développement pourraient faire face à un coût de l’adaptation d’environ 794 milliards de dollars par an, soit 274 milliards de plus par rapport à un scénario à 2 °C (environ 520 milliards de dollars par an). Les résultats du modèle doivent être considérés comme modérés en raison de la nature « top-down » du modèle AD-RICE et du niveau élevé d’agrégation des données. Tant les pertes économiques que le coût de l’adaptation pourraient être considérablement plus élevés que ces projections. Pour consulter le détail du calibrage du modèle et des résultats de l’étude (en anglais), cliquez ici.

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