Crise alimentaire en Afrique de l'Est : des milliers de vies et des millions de dollars perdus en raison de la lenteur de la réponse

Publié: 18th janvier 2012

Le leçons tirées de cette crise doivent aider à mieux prévenir des futures catastrophes et sauver des vies

Des milliers de personnes ont perdu la vie et des millions de dollars supplémentaires ont du être dépensés parce que la communauté internationale s’est montrée incapable de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux signaux d’alertes annonçant une crise alimentaire en Afrique de l’Est, affirment les ONG Oxfam et Save the Children dans un rapport commun, publié le 18 janvier.

Selon le rapport intitulé « Un retard dangereux : le coût d'une réponse tardive à des alertes précoces lors de la sécheresse de 2011 dans la Corne de l'Afrique », la culture de l’attentisme a retardé de six mois la mise en place d’une opération d’urgence de grande ampleur. Les organisations humanitaires comme les gouvernements ont mis trop de temps à intensifier leurs efforts. Plutôt que d’agir en amont, de nombreux bailleurs ont préféré attendre d’avoir des preuves qu’une crise était en cours.

Bien que des systèmes d’alerte précoces particulièrement sophistiqués avaient commencé à annoncer une possible crise dès le mois d’août 2010, aucune réponse d’ampleur n’a été déclenchée avant juillet 2011, moment où les taux de malnutrition de la région étaient déjà bien au-delà du seuil d’urgence et où la crise était largement couverte dans les médias.

Il est indispensable que davantage de fonds pour répondre aux urgences alimentaires soient rendus disponibles et effectivement débloqués dès que les signes avant-coureurs d’une crise sont clairement identifiés. Dans le système actuel, les interventions d’urgence de grande échelle ne trouvent de financements que lorsque les taux de malnutrition atteignent un stade critique, au prix de nombreuses vies. Le coût de la réponse devient lui aussi bien plus important. Save the Children et Oxfam exhortent les Etats à revoir leurs modes de réponses aux crises alimentaires, conformément à ce qui est prévu par la Charte pour éradiquer la faim, un document déjà approuvé par nombre de personnalités influentes dans le monde.

Agir rapidement permet de sauver des vies

« Nous sommes tous responsables du retard pris dans la réponse à une crise qui a coûté bien des vies dans la Corne de l’Afrique. Il est essentiel que nous en tirions les leçons, souligne Barbara Stocking, directrice d’Oxfam. Il est particulièrement choquant que les populations les plus pauvres soient encore une fois les victimes de notre incapacité à intervenir rapidement et de façon déterminante. Nous savons parfaitement qu’en agissant en amont, nous sauvons des vies. Mais la culture de l’attentisme et des économies de court terme, largement partagée par les organisations humanitaires, implique que nombre d’entre elles ont renâclé à dépenser de l’argent avant que la crise ne soit bel et bien confirmée ».

« Cette situation intolérable doit prendre fin : il est impensable que le monde puisse faire semblant de ne pas voir une crise annoncée et ne commence à s’en occuper qu’à partir du moment où des images dramatiques d’enfants mal-nourris sont diffusés à la télévision », affirme Justin Forsyth, directeur de Save the Children. « Les signes avant-coureurs de la crise étaient extrêmement clairs. Si davantage de fonds avaient été débloqués au moment crucial, la souffrance de milliers d’enfants aurait pu être évitée. Pour faire en sorte qu’une crise de cette ampleur n’arrive jamais plus, tous les gouvernements devraient signer la Charte pour éradiquer la faim ».

Si les Etats ont mis en place un certain nombre d’initiatives positives – telles que des systèmes d’alertes précoces plus performants ou des plans de protection sociale qui ont permis aux familles de recevoir un minimum d’aide rapidement – il aurait été nécessaire de faire beaucoup plus dans la région.

Bien qu’il reste difficile d’évaluer très exactement combien d'individus sont morts de la sécheresse, le gouvernement britannique estime qu’entre 50 000 et 100 000 personnes sont décédées entre avril et août 2011. Plus de la moitié étaient des enfants âgés de moins de cinq ans. A l’heure actuelle, la Somalie est le pays où la crise alimentaire sévit le plus fortement, avec des centaines de milliers de personnes toujours menacées.

Si un certain nombre d’opérations ont été rapidement déclenchées, ces actions se sont vite révélées insuffisantes face à une crise d’une telle ampleur. Des interventions plus onéreuses ont donc dû être déployées à un stade ultérieur. Acheminer cinq litres d’eau par jour pour 80 000 personnes en Ethiopie pour sauver des vies en urgence revient à plus de 3 millions de dollars alors qu’il ne coûte pas plus de 900 000 dollars de réhabiliter les points d’eau hors d’usage de la région pour prévenir une sécheresse annoncée.

Crise imminente en Afrique de l'Ouest

De même, des taux toujours plus importants de malnutrition auraient pu être évités en Afrique de l’Est si une forme de soutien avait été fournie en amont aux familles pour les aider à conserver leurs animaux en bonne santé et permettre aux marchés de continuer à fonctionner. De centaines de milliers de personnes ont perdu tous moyens de subsistance quand leur bétail a succombé à la sécheresse.

Le rapport, publié en amont des sommets internationaux de Davos et de l’Union africaine, fait office de rappel à l’ordre alors que la communauté internationale doit impérativement se préparer à agir au plus vite pour prévenir la catastrophe qui s’annonce en Afrique de l’Ouest, où une crise alimentaire se prépare et menace des millions de personnes. Une étude menée récemment par Save the Children au Niger estime que les moyens financiers, en carburant et en nourriture des familles vivant dans les zones les plus touchées de la région sont un tiers inférieurs au minimum de survie.

Pour Kofi Annan, qui préside l’Africa Progress Panel : « Assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour tous est le défi de notre temps. Nous ne parviendrons à soulager la faim dans le monde que si nous nous montrons capables d’identifier les signes avant-coureurs d’une crise alimentaire, tout en étant en mesure d’y répondre rapidement et efficacement. »

D’autres mesures destinées à lutter contre des crises alimentaires comme celle qui sévit aujourd’hui dans la Corne de l’Afrique sont compilées dans la Charte pour éradiquer la faim. La Charte, une initiative conjointe de plusieurs organisations, demande aux Etats de prendre leurs responsabilités et d’adopter des mesures concrètes pour que de telles situations ne se reproduisent plus.

En savoir plus

Télécharger le rapport : Un retard dangereux : Le coût d'une réponse tardive à des alertes précoces lors de la sécheresse de 2011 dans la Corne de l'Afrique

Crise alimentaire en Afrique de l'Est

Campagne CULTIVONS

Nous sommes tous responsables du retard pris dans la réponse à une crise qui a coûté bien des vies dans la Corne de l’Afrique. Il est essentiel que nous en tirions les leçons.
Barbara Stocking
Directrice, Oxfam GB

Notes aux rédactions

  1. Des vidéos et photos en haute définition de la crise et de l'intervention humanitaire en Afrique de l'Est sont disponibles.
  2. S’il est impossible de savoir avec exactitude combien la crise en Afrique de l’Est a fait de morts, la coopération britannique (DFID) estime qu’il pourrait s’agir de 50 000 à 100 000 personnes, dont plus de la moitié seraient des enfants âgés de moins de cinq ans. Une autre estimation effectuée par le gouvernement américain montre que plus de 29 000 enfants de moins de cinq ans sont morts en 90 jours, entre mai et juillet [(2011 oui)]. Un large soutien aux moyens de subsistance fragilisés par la sécheresse aurait fortement aidé à lutter contre la malnutrition. Des milliers de familles ont perdu leurs revenus suite à la mort de leur bétail, tué par la sécheresse. Suite à cela, ces familles se sont retrouvées dans l’incapacité d’acheter de la nourriture en quantité suffisante. Des rations d’alimentation complémentaire pour le bétail fournies en amont auraient permis de garder les troupeaux en vie et de faire fonctionner les marchés. Ce qui aurait permis de lutter contre la malnutrition qui a tué tellement d’individus dans la région. 
  3. Selon le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), dans les régions du sud et du centre de la Somalie, le taux de prévalence de la malnutrition aiguë globale (MAG) (un indicateur standard de la malnutrition) est passé de 16,4% à 36,4% en 2011. Ce qui veut dire que la MAG a dépassé, dès les premiers mois de l’année 2011 le seuil « critique » qui est de 15%.
  4. Les programmes de Save the Children ont bénéficié à plus de 280 000 personnes en Somalie, plus d’un million de personnes en Ethiopie et plus de 440 000 personnes au Kenya. 
  5. Les programmes d’Oxfam ont bénéficié à près d’1,5 million de personnes en Somalie, 300 000 en Ethiopie et un million au Kenya par le biais de programmes d’installations d’eau potable et d’assainissement, de programmes de nutrition thérapeutique aux enfants mal-nourris, mais aussi au soutien financier et aux moyens de subsistance.
  6. Les systèmes d’alerte précoce dans la région du Sahel montrent que la production céréalière générale de la zone est inférieure de 25% à celle de l’année précédente. Les prix de l’alimentation sont 40% supérieurs à la moyenne des cinq dernières années. La dernière crise alimentaire qui a frappé la region, en 2010, a affecté plus de 10 millions de personnes.
  7. Pour plus d’information, nous vous invitons à lire la Charte pour éradiquer la faim, soutenue par le premier ministre Kenyan Raila Odinga, Kristalina Georgieva, Commissaire européen aux Affaires humanitaires et d’autres dirigeants comme Andrew Mitchell, secrétaire d'État britannique au Développement international : http://hungercharter.org/

Contact

Anna Ridout : +44 (0)7766 443506 / +44 (0)1865 473415 / ARidout@oxfam.org.uk

Mathilde Magnier : +33 (0)1 77 35 76 00 / mmagnier@oxfamfrance.org