Enseignements du typhon Haiyan : l’action des pays d’Asie reste insuffisante face au changement climatique

Publié: 6th novembre 2014

Au vu de la vulnérabilité de l’Asie aux effets du changement climatique, nombre de pays de la région, notamment le Bangladesh, le Vietnam, l’Indonésie et les Philippines, devraient investir davantage dans la protection de leur population. 

Un an après le passage du super-typhon Haiyan, qui a ravagé les Philippines, l’organisation internationale de développement Oxfam révèle dans la note d’information « Can’t Afford to Wait », publié aujourd’hui, que malgré les prévisions d’aggravation des effets du changement climatique en Asie, les initiatives de réduction des risques de catastrophe ne sont pas une priorité pour les pays de la région. 

L’Asie est la région du monde la plus exposée aux catastrophes naturelles, selon le bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNISDR). En 2013, 78 % des victimes de catastrophes naturelles vivaient en Asie, alors que seulement 43 % des catastrophes survenues dans le monde ont eu lieu dans la région. Au cours des vingt dernières années, l’Asie a assumé près de la moitié du coût économique mondial de l’ensemble des catastrophes naturelles, soit près de 53 milliards de dollars par an. Dans la région, les pertes directement imputables à une catastrophe ont largement dépassé la croissance du PIB . Les seules pertes de récoltes liées aux inondations en Asie du Sud-Est sont estimées à un milliard de dollars par an.

Si rien n’est fait, quatre pays – l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam – pourraient subir une perte équivalant à 6,7 % de leur PIB annuel d’ici à 2100, soit plus du double de la moyenne mondiale, selon la Banque asiatique de développement (ADB) . Cela représente un brusque renversement de tendance pour nombre d’économies dans une région qui affiche, chaque année depuis 2012, une augmentation moyenne de son PIB de 6 %. 

En l’absence de mesures adéquates, le changement climatique pourrait retarder les efforts de développement et de lutte contre la pauvreté dans la région. Il ressort cependant de l’analyse d’Oxfam sur les politiques de réduction des risques de catastrophe et d’adaptation au changement climatique dans les dix États membres de l’ASEAN et les quatre États membres de la SAARC que nombre de pays asiatiques n’investissent pas suffisamment dans des plans agricoles qui permettraient d’améliorer la résilience des populations au changement climatique. 

Le rapport établit que la plupart des États asiatiques ont certes mis en place des politiques afin de se préparer au mieux aux catastrophes naturelles et au changement climatique, mais que leurs plans sont appliqués avec des degrés divers de succès. Les programmes de réduction des risques de catastrophe requièrent souvent une coordination importante entre les administrations nationales et locales. Selon l’évaluation d’Oxfam, ces dernières se révèlent rarement en mesure d’équiper les communautés locales pour se préparer aux catastrophes, y réagir et se relever. Les États du Bangladesh, de l’Indonésie, du Vietnam et des Philippines doivent surmonter des difficultés de coordination. Le coût humain des catastrophes en Asie dépasse tous les efforts déployés ne serait-ce que pour faire face à la menace du changement climatique.

« Si les États ne mettent pas bien en œuvre leurs politiques climat, les dés sont pipés pour les populations pauvres, explique Snehal Soneji, directeur pays d’Oxfam au Bangladesh. En Asie, les petits producteurs de denrées alimentaires sont en première ligne. Ces femmes et ces hommes ne disposent pas d’économies ni des ressources pour tenir le coup après une catastrophe naturelle. Ce seront eux les grands perdants de la lutte contre le changement climatique. »

Dans son bilan du rétablissement des Philippines après le passage du typhon Haiyan, Oxfam établit que l’État a certes fait preuve de leadership dans la mise en œuvre des efforts de relèvement suite à l’intervention humanitaire, mais que les avancées risquent d’être freinées en l’absence d’un plus grand investissement dans la capacité des pouvoirs locaux. Les mesures de réduction des risques de catastrophe, comme le fait de disposer de plans d’occupation des sols à jour et de doter les services compétents d’effectifs complets, ne sont pas toujours en place au niveau local. Le plan public de redressement et de relèvement, assorti d’une enveloppe de 3,9 milliards de dollars, offre la possibilité d’instaurer un plan significatif de renforcement des capacités au niveau local, de développer les compétences du personnel de réduction des risques de catastrophe et d’assurer que les municipalités, y compris les plus pauvres, disposent des ressources dont elles ont besoin pour mettre en œuvre les plans de relèvement et de gestion des opérations en cas de catastrophe avec efficacité.

Un an après le passage du typhon Haiyan, malgré l’aide humanitaire considérable qui a été apportée aux Philippines, des familles ont encore du mal à recommencer à gagner leur vie et risquent de s’enfoncer davantage encore dans la pauvreté dans une région déjà pauvre. 

Plus d’un million de familles pauvres vivant de la culture du cocotier et 200 000 familles de pêcheurs ont été sinistrées, deux secteurs qui se caractérisent déjà par des revenus qui permettent tout juste de vivre. Depuis novembre dernier, Oxfam travaille dans 32 municipalités et y a déjà investi 42 millions de dollars (sur un budget total de 65 millions de dollars pour trois ans) afin de porter assistance à plus de 868 960 personnes de diverses manières : approvisionnement en eau potable, construction de latrines publiques, installation de pompes à eau, distribution de bons ou d’argent liquide pour acheter des vivres et réparer les habitations, remplacement ou réparation des bateaux de pêche, déblaiement des débris de cocotiers et mise en place de scieries pour transformer ces débris en bois de construction pour des abris. 

Si l’on ne remédie pas à la vulnérabilité que Haiyan a soulignée de manière si frappante, les communautés touchées par le typhon resteront en première ligne, exposées à de futures catastrophes et à une pauvreté croissante. 

Les deux tiers de la population mondiale en situation d’insécurité alimentaire vivent en Asie et, assez ironiquement, il s’agit pour la plupart de petits producteurs et productrices de denrées alimentaires dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche. L’élévation du niveau de la mer, l’intrusion d’eau salée et les inondations font désormais peser une menace constante sur les agriculteurs habitant le long des milliers de kilomètres de côtes et risquent de toucher de 3,5 à 5 millions de personnes en Asie . Les répercussions sur la production agricole altèrent rapidement les possibilités d’approvisionnement alimentaire et la suffisance des filets de sécurité sociale. 

En Asie, la coopération régionale apparaît essentielle face au changement climatique, puisque les pays y sont souvent confrontés en même temps. L’analyse d’Oxfam montre que les institutions régionales comme la SAARC et l’ASEAN doivent se soucier davantage de stimuler le financement des mesures nationales d’adaptation au changement climatique. Les pays de la région devront en outre saisir l’occasion de la prochaine rencontre internationale sur le climat, dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), à Lima, en décembre, pour négocier collectivement l’aide financière des pays riches, dont ils ont cruellement besoin.

« Les pays riches doivent soutenir les pays en développement de l’Asie pour permettre à ceux-ci de protéger leur population des catastrophes climatiques. Ce sera une occasion exceptionnelle de se remémorer les ravages causés par le typhon Haiyan et d’alimenter le Fonds vert pour le climat. Des promesses d’un total de quinze milliards de dollars, moitié pour l’adaptation et moitié pour l’atténuation, constitueraient un hommage tout indiqué aux victimes », conclut Snehal Soneji.
Face aux prévisions d’aggravation des phénomènes météorologiques extrêmes, il incombe aux États asiatiques et aux pays donateurs de protéger les populations en allant au bout de leurs promesses et en renforçant leurs programmes actuels qui contribuent à assurer la résilience aux risques liés au changement climatique.

Si les États ne mettent pas bien en œuvre leurs politiques climat, les dés sont pipés pour les populations pauvres.
Arif Jabbar Khan, directeur pays
Oxfam au Pakistan

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