La crise au Yémen force les familles à recourir à des mesures désespérées pour survivre

Publié: 26th février 2019

Le conflit qui touche le Yémen, la hausse des prix des aliments et la chute des revenus poussent la population à prendre des mesures désespérées pour lutter contre la faim, comme l’a souligné Oxfam aujourd’hui. Cette mise en garde se produit alors même que les pays riches se réunissent à Genève en vue de s’engager à apporter leur aide face à la crise humanitaire au Yémen, qui a poussé près de dix millions de personnes au bord de la famine. En effet, depuis l’escalade du conflit en 2015, les prix des aliments au Yémen ont grimpé en flèche tandis que les revenus des ménages se sont effondrés. Par conséquent, des denrées de base sont désormais hors de portée d’une grande partie de la population.

Oxfam a rencontré plusieurs familles dans le gouvernorat d’Amran, au nord du pays. Affamées et délaissées après avoir été contraintes d’abandonner leur foyer, elles se sont vues obligées de marier leurs filles (dans un cas, la fillette n’avait que trois ans) pour pouvoir acheter des vivres et trouver un abri afin de sauver le reste de la famille. Bien que le mariage précoce soit une pratique de longue date au Yémen, il est révoltant de constater que des filles sont mariées à un si jeune âge en désespoir de cause pour se procurer de la nourriture. 

Le mariage n’est généralement pas consommé tant que les filles n’ont pas atteint l’âge de 11 ans. Toutefois, avant cela, elles sont tenues d’effectuer des travaux ménagers dans la maison de leur mari. Depuis qu’elle est mariée, Hanan, neuf ans, ne peut plus fréquenter l’école. Elle témoigne : « Ma belle-mère n’arrête pas de me battre. Si je m’enfuis et que je retourne chez mon père, il me bat à son tour pour m’être enfuie. Je ne veux pas être mariée. Je veux juste retourner à l’école ». Les parents de Hanan, qui ont aussi arrangé le mariage de sa sœur de trois ans, disent être conscients du tort qu’ils ont causé à leurs filles en les mariant si tôt, mais affirment qu’ils n’avaient pas d’autre choix, car la dot payée en retour était le seul moyen de maintenir le reste de la famille en vie. 

D’après Muhsin Siddiquey, directeur pays d’Oxfam au Yémen : « À mesure que la guerre se prolonge, la population a recours à des méthodes de plus en plus drastiques pour pallier le manque de nourriture. Les parents sont contraints de prendre des décisions qui ruinent la vie et l’avenir de leurs enfants. Il s’agit là d’une conséquence directe d’une catastrophe humanitaire provoquée par l’homme et causée par le conflit. La communauté internationale doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les hostilités prennent fin et que la population dispose de la nourriture, de l’eau et des médicaments qui lui font si cruellement défaut ». 

Les combats ont poussé de nombreuses familles à fuir vers des régions isolées, dépourvues d’infrastructures de base, d’écoles, de réseaux d’adduction d’eau, de systèmes d’assainissement appropriés et de centres de santé. Beaucoup d’entre elles vivent dans des tentes ou de petites maisons en terre qui n’offrent que peu de protection contre le soleil, la pluie et les températures glaciales des nuits d’hiver. En l’absence de revenu et avec des possibilités d’emploi très limitées, de nombreuses familles n’ont pas les moyens de se procurer suffisamment de nourriture. Elles en sont réduites à jeûner une bonne partie de la journée, se nourrir exclusivement à base de pain et de thé, acheter des vivres à crédit ou mendier.
 
Les familles yéménites comptent parfois une quinzaine de membres, y compris des personnes âgées qui nécessitent des soins spéciaux et des médicaments. Ces besoins augmentent encore les dépenses de la vie courante, qui sont pourtant déjà insurmontables pour bon nombre de familles. 

Des enquêtes menées à la fin de l’année dernière auprès des habitants de Taiz (sud du Yémen) qui avaient bénéficié du soutien d’Oxfam ont révélé que, au sein des familles, 99 % des adultes avaient dû réduire leur propre pitance afin de donner davantage de nourriture à leurs enfants. En outre, 98 % d’entre eux ont réduit le nombre de leurs repas quotidiens. Plus de la moitié ont affirmé avoir emprunté de la nourriture à des amis ou des proches. Près de deux tiers déclarent avoir contracté des dettes, la plupart du temps pour acquérir des vivres, des médicaments ou de l’eau. 

Il y a un peu plus d’une semaine, le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale et les Houthis sont parvenus à un accord sur la première phase de retrait des combattants de la ville portuaire stratégique de Hodeïda, à la suite des pourparlers qui se sont tenus en Suède au mois de décembre. Cet accord est l’aboutissement de négociations laborieuses et on ignore encore quelle sera l’étendue de ses répercussions, si tant est qu’il y en ait.

Selon M. Siddiquey : « Les bailleurs de fonds qui se réunissent aujourd’hui à Genève pour promettre leur aide au Yémen doivent s’assurer que le financement offert sera suffisant pour couvrir les besoins élémentaires de la population en alimentation, en eau et en médicaments. Cependant, seul l’arrêt des hostilités pourrait enrayer l’engrenage destructeur qui force actuellement les Yéménites à recourir à des mesures désespérées pour survivre. L’ensemble des parties en conflit et des entités qui les financent doivent s’engager sans réserve en faveur d’un cessez-le-feu à l’échelle du pays et prendre des mesures concrètes pour instaurer une paix durable ».

Notes aux rédactions

Des études de cas sur les familles touchées par la faim au Yémen sont disponibles ici. Les noms des enfants ont tous été modifiés.

Contact

Please contact attila.kulcsar@oxfam.org  (+44 7471 142974) for interviews with Oxfam spokespeople and partners attending the Yemen pledging conference in Geneva.