Suite à une enquête d’Oxfam, RB appelle au durcissement des lois fiscales pour protéger les pays pauvres

Publié: 12th juillet 2017

À la suite d’une enquête d’Oxfam indiquant que les pratiques fiscales de l’entreprise RB priveraient les pays pauvres de recettes si précieuses pour lutter contre la pauvreté, la multinationale britannique derrière des marques comme Dettol et Vanish apporte aujourd’hui son soutien à un renforcement des lois fiscales.

Oxfam se félicite de ce soutien au renforcement de la transparence et à l’adoption de règles plus strictes pour enrayer le problème généralisé de l’évasion fiscale des entreprises, qui coûte aux pays en développement comme aux pays développés des milliards d’euros tous les ans. Oxfam demande instamment aux autres multinationales de suivre son exemple. Par la même occasion, Oxfam exhorte RB et les autres entreprises à publier volontairement des informations sur leurs pratiques fiscales dans tous les pays où elles ont des activités.

RB, multinationale basée au Royaume-Uni, a publié aujourd’hui une déclaration appelant les États à renforcer les règles fiscales. Et ce, pour faire en sorte que les entreprises qui s’abstiennent d’exploiter les failles du système fiscal pour diminuer leurs obligations fiscales ne soient pas désavantagées par leurs rivales dénuées de tels scrupules.

« Le soutien de RB à une plus grande transparence fiscale est le bienvenu, déclare Deepak Xavier, responsable de la campagne "À égalité !" d’Oxfam. Un système fiscal plus juste et plus transparent est bon pour les affaires et bon pour la société dans son ensemble.

« Des entreprises comme RB peuvent jouer un rôle important dans la lutte contre la pauvreté. Ceci dit, ce potentiel ne peut être concrétisé que si elles paient leur juste part d’impôt dans chaque pays où elles opèrent, non pas seulement là où elles peuvent négocier des allégements. Nous engageons RB, et d’autres entreprises avec elle, à commencer à publier volontairement des informations sur leurs pratiques fiscales dans tous les pays où elles opèrent. Oxfam espère approfondir ses discussions avec RB à cet égard. »

La déclaration de RB fait suite à une enquête réalisée par Oxfam, présentée dans le rapport « Vanish et les impôts s’évanouissent », dont il ressort que les pratiques fiscales de la multinationale auraient fait subir un manque à gagner fiscal de 60 millions de livres sterling (67 millions d’euros) aux pays que l’entreprise qualifie de « marchés en développement ». La plupart d’entre eux sont des pays dont une grande partie de la population vit dans la pauvreté et qui ont cruellement besoin de rentrées fiscales pour assurer des services publics comme l’accès à l’eau potable et à des soins de santé pouvant sauver des vies.

L’enquête d’Oxfam n’a relevé aucune activité illégale de la part de RB. L’analyse des états financiers de RB sur plusieurs exercices a cependant mis en lumière que l’établissement de pôles régionaux dans trois paradis fiscaux – les Pays-Bas, Singapour et Dubaï –, en 2012 et en 2014, a permis à l’entreprise cotée à la Bourse de Londres de réduire considérablement son taux d’imposition global. À la suite de la création de ces pôles, ses bénéfices déclarés sur des marchés comme la France et l’Australie se sont effondrés, malgré une relative stabilité des chiffres d’affaires.

« Les États doivent se concerter pour convenir d’un nouveau cycle de réformes fiscales internationales destinées à empêcher le transfert de bénéfices des multinationales, dont les populations des pays pauvres sont les premières à faire les frais, » ajoute Deepak Xavier.

L’ONU estime que l’évasion fiscale des grandes entreprises coûte aux pays en développement au moins 100 milliards de dollars par an. Avec cette somme, les 124 millions d’enfants non scolarisés dans le monde pourraient recevoir une éducation, et des soins médicaux pourraient sauver la vie de 6 millions d’enfants chaque année.

Le mouvement en faveur d’une plus grande transparence des entreprises prend de l’ampleur. La semaine dernière, le Parlement européen a adopté une proposition obligeant toutes les multinationales qui ont des activités en Europe à publier les détails de leurs activités pays par pays. Le reporting public est déjà obligatoire pour les banques européennes.

Il y a dix mois, le Royaume-Uni a adopté une loi visant à instaurer l’obligation d’un reporting pays par pays public complet pour les multinationales. Oxfam appelle le gouvernement britannique à en assurer l’application d’ici la fin 2019.

Déjà des entreprises, comme Vodafone, AngloAmerican et Unilever, publient volontairement leurs stratégies fiscales détaillées et des informations fiscales par région ou par pays. De plus en plus d’investisseurs, tels que Norges Bank Investment Management, en Norvège, et Legal & General Investment Management – deux des principaux actionnaires de RB –, engagent les entreprises à faire preuve de davantage de transparence en matière de fiscalité et à adopter le reporting pays par pays.

Notes aux rédactions

Le rapport d’Oxfam intitulé « Vanish et les impôts s’évanouissent » et sa méthodologie pourront être téléchargés ici. Le rapport comporte des recommandations à l’intention des gouvernements, des investisseurs et des entreprises à la page 5, et la réponse de RB à ce rapport en annexe.

L’équipe de recherche d’Oxfam ont constaté que suite à l’établissement en 2012 et en 2014 de pôles régionaux dans trois paradis fiscaux – les Pays-Bas, Singapour et Dubaï – l’entreprise a pu réduire son taux réel d’imposition mondial pour le faire passer d’une moyenne comprise entre 25 et 26 % avant 2012 à entre 21 et 23 % après. Et, ce en dépit d’un chiffre d’affaires et de bénéfices relativement stables. En calculant le montant des impôts que RB aurait eu à payer si son taux réel d’imposition mondial s’était maintenu à sa moyenne d’avant la restructuration, qui correspond à la moyenne de l’OCDE pour 2016, de 25 % sur les exercices de 2014 à 2016, Oxfam a estimé que la société du FTSE 100 (la Bourse de Londres) a pu économiser 200 millions de livres sur trois ans, dont près d’un tiers (60 millions de livres) dans les marchés en développement où elle réalise 31 % de son chiffre d’affaires.

RB affirme que sa restructuration était destinée à rapprocher ses activités de ses clients et de ses consommateurs, mais les recherches d’Oxfam font apparaître que sa décision aurait été principalement motivée par des économies d’impôt. En effet, proportionnellement, très peu de clients de l’entreprise se trouvent dans ces pays. Les activités nationales ne sauraient justifier les montants phénoménaux qui transitent par ces pôles. Ainsi, les bénéfices et le chiffre d’affaires portés au compte du pôle des Pays-Bas correspondent au tiers du total du groupe RB, ce qui aurait pour effet de multiplier par 100 la productivité de ses employés par rapport à la moyenne du groupe.

Parallèlement à cela, à mesure que les bénéfices comptabilisés dans les pôles ont augmenté, ils ont diminué dans d’autres pays, et ce malgré un chiffre d’affaires quasiment inchangé. En France, par exemple, les bénéfices ont diminué de moitié après la création du pôle Pays-Bas responsable de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Oxfam n’a pas relevé l’existence d’autres facteurs à part la création des pôles régionaux (comme d’importants changements commerciaux, l’impact de nouveaux allégements ou des décisions favorables) qui pourrait expliquer la baisse subite du taux réel d’imposition mondial de RB.

Oxfam estime que, pour la période 2013 à 2015, les économies fiscales réalisées par RB se chiffreraient comme suit : 66,2 millions de livres (soit environ 75 millions d’euros) en France ; 71,3 millions de livres en Australie (environ 119 millions de dollars australiens) ; 22 millions de livres en Belgique (environ 25 millions d’euros) et 7,4 millions de livres (environ 13 millions de dollars néo-zélandais) en Nouvelle-Zélande. Oxfam ne prétend pas que RB a évité de payer des impôts au Royaume-Uni. En raison du manque de transparence quant au montant des bénéfices réalisés et des impôts payés, Oxfam n’a pas été en mesure d’obtenir des informations financières suffisantes lui permettant d’établir d’éventuelles pertes fiscales dans d’autres pays. Il est particulièrement difficile d’accéder aux données financières de l’entreprise pour les pays en développement, d’où toute la difficulté pour les citoyens de connaître le montant des impôts que les multinationales versent dans ces pays.

D’après les états financiers de RB, l’administration fiscale néerlandaise a accordé à la filiale néerlandaise Reckitt Benckiser (ENA) B.V. un rescrit fiscal qui exempte d’impôts 75 % de ses bénéfices à compter de 2013, soit l’année d’établissement du pôle. Ce rescrit fiscal expliquerait en grande partie pourquoi le taux réel d’imposition de RB dans le pôle des Pays-Bas correspond à un quart du taux néerlandais d’impôt sur le revenu des entreprises de 25 %.

Oxfam a décidé d’enquêter sur RB après avoir étudié les meilleurs éléments d’information disponibles pour plusieurs entreprises du FTSE-100 par rapport à des critères tels que leur présence ou non dans des paradis fiscaux et les pays en développement, et leur recours ou non à des méthodes d’évasion fiscale que les nouvelles recommandations de l’OCDE n’empêcheraient pas.

Le Parlement européen a adopté le 4 juillet dernier une proposition obligeant les multinationales opérant en Europe à publier les détails de leurs activités pays par pays. Cette mesure est destinée à aider les pays les plus pauvres à lutter contre l’évasion fiscale, Oxfam craint néanmoins qu’elle ne soit entravée par une « clause de sortie » (une échappatoire) qui autorise les entreprises à se soustraire à la publication d’informations qu’elles déclarent dommageables pour leurs activités commerciales.

Le gouvernement britannique a accepté l’amendement Flint au projet de loi de finances le 5 septembre 2016, qui habilitait les ministres à obliger les multinationales ayant un siège ou une présence importante au Royaume Uni à publier des informations sur leurs revenus, leurs effectifs et leurs impôts, autant d’informations détenues par HMRC, le fisc britannique. Cet amendement avait été proposé par la députée travailliste Caroline Flint avec un soutien multipartite.

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