5 raisons pour lesquelles les femmes sont plus durement touchées par la Covid-19

Mariam, 25 ans et mère d’un enfant, a fui son village près de Dablo, au centre-nord du Burkina Faso.

Mariam Ouedraogo, 25 ans, vivait près de Dablo, dans le centre du Burkina Faso, lorsque des attaques menées par des groupes armés l'ont forcée à fuir avec sa famille. Elle vit aujourd'hui dans le camp pour personnes déplacées de Kaya, où la Covid-19 a rendu la vie beaucoup plus difficile. Photo: Sylvain Cherkaoui/Oxfam

En mars 2020, la Covid-19 a frappé un monde déjà marqué par de profondes inégalités entre les genres. Oxfam avait anticipé que la pandémie pourrait miner les droits des femmes dans de nombreux pays et rendre leur vie plus difficile, en particulier pour celles en situation de pauvreté et de vulnérabilité. La crise pourrait battre en brèche les acquis du passé. Un an plus tard, ces craintes se sont concrétisées.

La pandémie de Covid-19 est plus qu’une simple crise économique ou de santé publique. Il s’agit d’une crise qui discrimine en fonction de la couleur de peau, de l’origine ethnique, du genre et de la classe sociale. Elle est entièrement évitable et doit être éradiquée.

Des moyens de subsistance précaires

Il a été démontré que dans plusieurs pays, les femmes ont vu leurs moyens de subsistance fortement menacés et qu’elles ont été les plus durement touchées par les répercussions économiques de la pandémie de Covid-19. Elles ont perdu leur emploi de manière disproportionnée, balayant ainsi des décennies de progrès dans leur participation au marché du travail.

On estime que 47 millions de femmes et de filles ont basculé dans une pauvreté extrême depuis la déclaration de la pandémie.

À travers le monde, 740 millions de femmes travaillent dans l’économie informelle. Au cours du premier mois de la pandémie, leurs revenus ont chuté de 60 %.

Les femmes sont aussi surreprésentées dans les secteurs de l’économie les plus durement touchés par la pandémie, notamment l’hébergement et les services alimentaires. Les femmes sont aussi plus susceptibles d’occuper des emplois précaires qui les rendent vulnérables. Dans les pays à faible revenu, 92 % des femmes occupent un emploi informel, dangereux ou précaire, et n’ont pas accès à des dispositifs de protection sociale ou des filets de sécurité sociale.

Exclues de l’accès à l’éducation et aux soins de santé de qualité

La pandémie de Covid-19 a bouleversé les systèmes de santé et miné les efforts déployés pour répondre aux besoins en matière de santé sexuelle et procréative. Des femmes et des filles du monde entier ont déclaré avoir un accès réduit aux services, ce qui augmente leur risque de grossesses non désirées, de maladies sexuellement transmissibles et de complications pendant la grossesse, l’accouchement et l’avortement. Selon des prévisions mondiales, jusqu’à 7 millions de grossesses non désirées seraient dues à la pandémie de Covid-19 et aux mesures imposées pour l’endiguer.

On estime que la pandémie a également entraîné une augmentation des décès maternels de 8 à 39 % par mois dans les pays à faibles et moyens revenus, en raison de la réduction des soins périnataux.

On prévoit que 13 millions de mariages d’enfants supplémentaires auront lieu d’ici 2030 à cause des fermetures d’écoles et de la pauvreté accrue résultant de la pandémie.

D’après des estimations, la pandémie devrait effacer les progrès réalisés dans le monde au cours des vingt dernières années en matière d’éducation des filles, ce qui a pour effet d’accroître la pauvreté et les inégalités. En Afrique subsaharienne, au moins un million de filles enceintes en âge d’être scolarisées risquaient de perdre leur accès à l’éducation à la suite des fermetures des écoles liées à la pandémie. Les filles qui se marient tôt risquent davantage de subir des violences conjugales.

Les femmes assument les responsabilités de soin

Les femmes ont fait tourner le monde pendant l’intervention face à la pandémie de Covid-19, en assumant la charge des soins dans les cliniques, à la maison et sur les lieux de travail. À l’échelle mondiale, les femmes constituent environ 70 % de la main-d’œuvre du secteur de la santé et du secteur social ; elles représentant également la majorité de la main-d’œuvre domestique dans le monde. Bien que ces emplois soient essentiels à la lutte contre la pandémie, ils ont longtemps été dévalorisés et mal rémunérés, ce qui rend ces travailleuses essentielles plus vulnérables à une infection au coronavirus.

Dans le monde, les femmes réalisent plus des trois quarts de l’ensemble du travail de soin non rémunéré, ce qui représente des milliers de milliards de dollars pour l’économie mondiale.

Dans une enquête menée par Oxfam dans 5 pays, 43 % des femmes interrogées ont affirmé se sentir plus stressées, déprimées ou surmenées en raison de la charge accrue de travail domestique.

Si les mesures de confinement ont ralenti l’économie de marché, l’économie des soins non rémunérés est quant à elle en surchauffe. Avant la pandémie, les femmes et les filles assumaient déjà l’équivalent de 12,5 milliards d’heures de travail non rémunéré chaque jour. Les recherches d’Oxfam montrent que les mesures de confinement, la maladie et la fermeture des écoles ont augmenté ce travail de façon spectaculaire, qui est principalement assumé par des mères célibataires, des femmes vivant dans la pauvreté et des groupes confrontés aux discriminations raciales et ethniques.

A Women’s Group member in Kutupalong Camp makes a cloth facemask.

La pandémie de Covid-19 a réduit le revenu des ménages et accru l’insécurité alimentaire des réfugiés rohingyas et des communautés d’accueil vivant à Cox’s Bazaar, au Bangladesh. Pour permettre aux ménages de subvenir à leurs besoins fondamentaux, Oxfam fournit aux groupes locaux de femmes et d’hommes des équipements et une formation pour produire des masques et des serviettes hygiéniques réutilisables. Photo: Mutasim Billah/Oxfam

Les premières à souffrir de la faim

Les femmes jouent un rôle déterminant dans le système alimentaire mondial en tant que productrices et travailleuses dans les plantations et les usines de transformation. Elles sont aussi généralement chargées d’acheter et de préparer la nourriture pour leur famille. Pourtant, sur tous les continents, la prévalence de l’insécurité alimentaire est plus élevée chez les femmes que chez les hommes.

On estime que si les femmes pouvaient accéder aux mêmes ressources de production que les hommes, cela permettrait de réduire de 17 % le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde.

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 40 % des pertes d’emploi totales dues à la pandémie concernent des femmes.

Les femmes représentent une proportion importante des groupes tels que la main d’oeuvre informelle et les petit-e-s producteurs/trices, qui ont le plus souffert des répercussions économiques de la pandémie. Par surcroît, les femmes sont souvent les plus vulnérables au sein de ces groupes en raison d’obstacles systémiques, notamment les discriminations en matière de propriété foncière et de rémunération.

Enfin, les mesures de confinement ont davantage aggravé l’insécurité alimentaire des femmes que des hommes, compte tenu des normes sociales dominantes, des systèmes de production alimentaire inégaux et de l’écart salarial entre les femmes et les hommes. Tout cela, ajouté au fait que les femmes sont souvent les premières à sauter des repas ou à manger de plus petites portions lorsque les ressources sont limitées, signifie que les femmes sont souvent les premières à souffrir de la faim.

Une vague de violences fondées sur le genre

Les violences faites aux femmes et aux filles ont rapidement augmenté à la suite des restrictions de déplacement liées à la pandémie. Par ailleurs, les services d’aide aux femmes et aux filles confrontées à des violences ont été rudement mis à l’épreuve par la réduction des activités de prévention et de protection ainsi que des services sociaux.

Certains pays ont signalé une augmentation de jusqu’à 33 % des violences conjugales.

On estime que si les mesures de confinement s'étaient poursuivies pendant 6 mois en juillet 2020, il y aurait eu 31 millions de cas supplémentaires de violences fondées sur le genre dans le monde.

Les violences fondées sur le genre sont ancrées dans des rapport de force inégaux entre les genres. Elles augmentent souvent lorsqu’une détérioration de l’ordre public conduit à l’impunité des auteurs des violences. Les violences domestiques peuvent également augmenter pendant et après un conflit. Dans les pays touchés par un conflit, la pandémie a renforcé les menaces et l’insécurité pour les femmes, les filles et les personnes non binaires, notamment en raison de l’augmentation des pressions sociales et économiques et des mesures de confinement.

Les femmes ouvrent la voie

La lutte mondiale face à la pandémie n’a pas pris en compte les incidences sexospécifiques et intersectionnelles de la crise, ni le fait que les femmes en situation de pauvreté et de vulnérabilité, issues de communautés ethniques minoritaires, jeunes et en âge de procréer, etc., ont été les plus touchées. Ce manquement est attribuable à l’absence des femmes, dans toute leur diversité, dans les décisions concernant la pandémie à tous les niveaux : local, national et international.

La pandémie a également affecté l’espace civique, en limitant la capacité des organisations de défense des droits des femmes et d’autres voix progressistes à participer aux décisions pendant cette période décisive. En outre, la pandémie a renforcé les courants autoritaires et populistes sexistes, et les dirigeant-e-s progressistes, dont beaucoup de femmes, ont subi des attaques et ont vu leurs ressources limitées.

Sur les 14,3 millions de personnes qu’Oxfam a aidées depuis le début de la pandémie, 54 % sont des femmes. Nous travaillons sur l'égalité entre les genres dans les 68 pays dans lesquels nous sommes présents. Dans 24 pays, nous collaborons avec des organisations de défense des droits des femmes et des filles afin de faire progresser ces droits.