Cambodge : l'innovation au service des petites rizicultrices

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Grâce à un nouvel outil de désherbage associé à des techniques de culture innovantes, des rizicultrices cambodgiennes ont doublé leurs rendements.

Quand Sorn Ken désherbe ses rizières, elle apprécie un peu de compagnie. Sa sœur So Van vient lui prêter main forte et, en retour, Sorn va l'aider à désherber ses rizières. "Nous bavardons puis, quand nous sommes fatiguées, nous faisons une pause tout en continuant à bavarder", explique-t-elle depuis la chaussée qui longe le champ de sa sœur. "C'est plus amusant d'aller désherber à plusieurs."

Sorn explique qu'elle passe moins de temps qu'autrefois à désherber ses rizières et cela, depuis qu'elle a commencé à utiliser l'instrument de désherbage mécanique qu'elle a contribué à créer avec l'aide du partenaire d'Oxfam au Cambodge, Rachana, une organisation basée dans la province méridionale de Takeo. Lorsqu'ils utilisent ce nouvel outil, les riziculteurs parviennent en quelques heures à faire ce qui autrefois leur prenait plusieurs jours.

Oxfam a apporté son soutien à Rachana en concevant et testant les sarcleuses mécaniques qui permettent aux riziculteurs de récolter plus de riz. L'adoption de systèmes de riziculture innovants et l'utilisation d'une sarcleuse mécanique permettent d'augmenter la production de plus de 100 %, ce qui représente une amélioration considérable pour les petits riziculteurs comme Sorn et sa sœur.

Soutenir l'innovation

Sorn fait partie des 100 familles qui cultivent le riz dans la région en utilisant une série de méthodes spéciales appelée System of Rice Intensification, le Système de riziculture intensive ou SRI. Le SRI est une forme d'innovation accessible pour les petits riziculteurs comme Sorn : il permet de stimuler les rendements rizicoles en appliquant des méthodes différentes de labour, d'enrichissement des sols et de plantation et de transplantation du riz. Le SRI aide les plants à se renforcer et à être plus résistants aux parasites et aux maladies. Il ne nécessite aucune variété spéciale de semence. Et comme les plantes sont en meilleure santé, les riziculteurs ont besoin de moins d'engrais et de pesticides, ce qui leur permet d'économiser de l'argent tout en préservant l'environnement.

L'une des techniques préconisée par le SRI consiste à transplanter des semis uniques en laissant plus d'espace entre chacun, plutôt que de les transplanter en bouquets. La distance permet aux semis d'avoir des racines plus solides. Les riziculteurs du SRI plantent leurs semis en rangées, afin de pouvoir désherber plus facilement autour des plants. Une sarcleuse mécanique permet de désherber beaucoup plus rapidement.

Un travail collaboratif

Ben Pen, ferronnier, a travaillé en collaboration avec des rizcultrices qui ont testé différents prototypes de sarcleuses. Une fois le modèle finalisé, l'association Rachana en a commandé 900 exemplaires. Photo : Patrick Brown/Oxfam America

A Prey Pa'e, le village de Sorn, Rachana a trouvé un ferronnier du nom de Ben Pen qui souhaitait travailler avec les riziculteurs locaux pour développer les sarcleuses. En 2009, avec l'aide de Rachana, il a commencé à adapter les modèles conçus pour l'Inde et d'autres pays. Il les a ensuite optimisés à partir des conseils et souhaits des femmes rizicultrices.

Sorn et près de 20 autres femmes ont testé cinq prototypes. Avec Pen, ils ont mis au point des sarcleuses à une et deux roues que les riziculteurs utilisent en fonction de l'état du sol et des mauvaises herbes. Les sarcleuses pèsent entre 2 et 6 kilos. Chacune est munie d'une longue poignée avec laquelle les riziculteurs poussent les roues fines crantées de clous en acier qui malaxent le sol et broient les mauvaises herbes.

La plupart des riziculteurs chargés de tester les sarcleuses étaient des femmes. Bien que les hommes préparent la terre et participent à la récolte, ce sont les femmes qui travaillent le plus dans les rizières. Pen et Rachana voulaient s'assurer que les modèles de sarcleuses convenaient à ces femmes. "Grâce aux sarcleuses les femmes n'ont plus mal au dos ni aux cervicales, explique Pen. Elles peuvent rester debout et la technique est bien plus rapide."

"Une différence considérable"

Sorn descend les rangées entre les plants de riz poussant la sarcleuse devant elle comme une tondeuse à gazon. L'instrument semble patauger dans une fine couche d'eau, soulevant sur son passage des touffes d'herbe et de boue.

"La différence est considérable quand vous utilisez ces instruments de désherbage, explique Sorn. Quand vous désherbez à la main, vous ne retirez que le haut de la plante, la racine reste dans le sol et l'herbe repousse à nouveau. Au contraire, la sarcleuse détruit la racine et mélange l'herbe à la terre, ce qui est meilleur pour enrichir les sols."

Sorn cultive un peu moins de deux acres. Depuis que Sorn et sa sœur travaillent avec la sarcleuse, le désherbage va plus vite. Aujourd'hui, cette économie de temps et de travail est particulièrement importante pour elle. Son mari est décédé et ses six enfants sont tous adultes et ont quitté le village pour travailler et étudier. A 55 ans, elle est seule et a besoin d'aide.

Les recherches menées par Rachana ont montré qu'en associant l'utilisation de sarcleuses au SRI, les riziculteurs pouvaient accroître leur rendement jusqu'à 5,6 tonnes par hectare en moyenne, contre 2,2 tonnes en moyenne en utilisant des techniques traditionnelles. L'organisation a commandé à Pen 900 exemplaires des trois sarcleuses les plus demandées. Elles sont revendues aux riziculteurs dans tout le pays. Ces outils ont un coût d'environ 20 dollars. C'est un investissement conséquent et les voisins se regroupent souvent à deux ou trois pour l'acheter et s'en servir à tour de rôle.

Changer les méthodes

Mais le temps gagné vaut bien l'investissement consenti. D'après les femmes de Prey Pa'e, il faut deux semaines et trois personnes pour désherber un hectare. Une fois le travail terminé, les mauvaises herbes commencent déjà à repousser. "Avec la sarcleuse, trois personnes peuvent terminer le travail en une matinée" ajoute Pen Rat, qui faisait partie de l'équipe qui à testé le prototype.

Sorn explique qu'elle a contribué à tester la sarcleuse mono-roue, et a suggéré à Pen de rabaisser l'angle de la poignée pour que les femmes puissent pousser au niveau de la taille. "Je me suis dit qu'ainsi, les femmes auraient plus de force pour pousser et tirer", explique-t-elle.

Les innovations simples, comme ces sarcleuses mécaniques, encouragent les agriculteurs à se réunir, à échanger leurs idées et jouent un rôle dans le développement des améliorations technologiques de leur exploitation. Ce type de mission n'est qu'une partie infime du travail que réalise Oxfam pour transformer l'agriculture pour les populations les plus démunies du Cambodge.

Les riziculteurs comme Sorn Ken le confirment : "Avec cette sarcleuse, j'ai l'impression d'avoir une main d'œuvre supplémentaire", ajoute-t-elle.

La version originale en anglais de cet article a été publiée initialement par Oxfam America.

En savoir plus

Les actions d'Oxfam au Cambodge

Campagne d'Oxfam sur l'agriculture

Avec cette sarcleuse, j'ai l'impression d'avoir une main d'œuvre supplémentaire
Sorn Ken
Rizicultrice, province de Takéo, Cambodge