Financement climat : des tendances inquiétantes pour les populations les plus pauvres du monde

Publié: 2nd mai 2018

Oxfam a analysé la façon dont les financements climat sont affectés et comptabilisés. Il en ressort des tendances très préoccupantes pour les pays et les populations les plus pauvres dans le monde.

 

Voici les conclusions de son rapport « 2018 : Les vrais chiffres des financements climat », qui passe au crible les derniers chiffres publiés par les bailleurs pour la période 2015–2016 :

  • L’augmentation des financements climat résulte en grande partie d’un recours massif aux prêts, en particulier à destination des pays à revenu intermédiaire.
  • L’aide publique accordée sous forme de subventions ne répond pas aux besoins et n’augmente pas assez vite. Selon les estimations, le montant des subventions se situe entre 11 et 13 milliards de dollars, contre 10 milliards lors de notre dernière évaluation portant sur la période 2013-2014.
  • Le financement de l’adaptation au changement climatique reste largement négligé, ne représentant que 20 % des financements climat publics, contre 19 % en 2013 et 2014.
  • La part des financements publics accordés aux pays les moins avancés n’a pas augmenté, stagnant à environ 18 %.

« Les populations des Caraïbes font face à des ouragans particulièrement puissants, pendant que d’autres en Afrique souffrent de rudes sécheresses. Pourtant, les financements destinés aux populations les plus pauvres et les plus vulnérables au changement climatique demeurent largement insuffisants », déplore Tracy Carty, experte des politiques sur le changement climatique à Oxfam.

 

L’un des principaux problèmes que pointe ce rapport concerne la comptabilisation excessive des financements fournis. En effet, nombre de bailleurs surévaluent l’élément climat d’un projet de développement dont le changement climatique n’est en fait qu’un aspect d’un programme plus vaste.

 

De même, comptabiliser à leur valeur nominale les prêts et autres types de financements qui ne sont pas des subventions – mais seront à terme remboursés – fausse grandement le montant de l’aide que les pays en développement reçoivent réellement.

 

Oxfam engage vivement les États à mettre fin à cette pratique et à comptabiliser la « part dons » de leurs prêts climat, autrement dit à ne prendre en compte que la valeur financière nette transférée aux pays en développement hors remboursements des intérêts et autres frais. L’OCDE a récemment adopté des règles similaires pour comptabiliser l’aide au développement.

 

« Comptabiliser la part dons est rapidement devenu la norme pour les dépenses d’aide au développement. Rien n’empêche d’en faire autant pour les financements climat », affirme Tracy Carty.

 

Oxfam estime que les financements publics nets spécifiquement consacrés au climat en 2015 et 2016 se situent entre 16 et 21 milliards de dollars par an, ce qui est très en-deçà des 48 milliards de dollars annuels de financements climat publics, si l’on prend les chiffres déclarés par les bailleurs à leur valeur nominale.

 

« Lors de la Conférence des Parties de cette année (COP24), qui se tiendra en Pologne, les gouvernements devront adopter de nouvelles règles de comptabilisation des financements climat dans le cadre de l’Accord de Paris, poursuit-elle. C’est une occasion à ne pas rater de fixer des règles équitables et rigoureuses. »

 

Le rapport d’Oxfam indique également dans quelle mesure les différents États sont généreux en subventions. Alors que les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, notamment, ont fourni plus de 90 % de leurs financements climat sous forme de subventions en 2015-2016, d’autres comme la France en sont loin.

 

Bien que le président français Emmanuel Macron se pose en chef de file de la lutte contre le changement climatique, les chiffres de la France révèlent une tout autre réalité. Seuls 7 % des financements climat versés par le pays ont été accordés sous forme de subventions au cours de la période 2015-2016, ce qui est très peu par rapport aux chiffres de ses voisins.

 

« Il ne reste plus que deux ans pour atteindre la barre des 100 milliards de dollars par an et, dans les pays en développement, des millions de personnes suivent de près les avancées vers cet objectif. Nous espérons que les efforts d’Emmanuel Macron pour apporter aux pays les plus pauvres le soutien financier dont ils ont besoin seront à la hauteur de ses propos encourageants », souligne Armelle le Comte, responsable du plaidoyer climat à Oxfam France.

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Simon Hernandez-Arthur | simon.hernandezarthur@oxfam.org | +1 585 503 4568 | Twitter: @SimonHernandez