La prolifération des médicaments falsifiés ou de médiocre qualité ne doit pas être une excuse pour augmenter le prix payé par les plus pauvres

Publié: 2nd février 2011

Dans un rapport publié ce mercredi 2 février 2011, l'organisation internationale Oxfam lance une mise en garde contre l’utilisation par les pays riches de la prolifération dans les pays pauvres de médicaments de mauvaise qualité et dangereux comme une excuse pour durcir les règles de propriété intellectuelle et augmenter les bénéfices des grandes entreprises pharmaceutiques, tout en rendant plus difficile pour les personnes pauvres l’accès aux médicaments dont ils ont besoin.

Le rapport "Rester vigilant", lancé à l’occasion de la conférence de haut niveau organisée par Interpol et l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) à Paris le 2 février 2011, souligne qu’une meilleure réglementation des médicaments par les pays pauvres, plus que le renforcement des règles de propriété intellectuelle, est le meilleur moyen d'assurer des médicaments de qualité, sans danger et efficaces.

Plus de 2 milliards de personnes n'ont pas un accès régulier à des médicaments abordables et de qualité. L'OMS estime que 30% des pays ne sont pas en mesure de réglementer efficacement les médicaments. Bien qu'il n'y ait pas de données concluantes sur la prévalence des médicaments de qualité médiocre ou falsifiés dans les pays en développement, des études indiquent que dans certains pays, jusqu'à 44% de certains types de médicaments, tels que les antipaludéens, ne sont pas de qualité suffisante.

Même si les pays riches s'inquiètent publiquement de cette menace réelle pour la santé publique, ils proposent des actions qui ne contribuent guère à résoudre ce problème. Plus précisément, ils proposent l'adoption par les pays pauvres des règles de propriété intellectuelle élargies afin de réduire la diffusion de produits contrefaits et portant préjudice à des marques. Pourtant, les mesures anti-contrefaçon ont une portée limitée.

Elles ne parviennent pas à résoudre le problème plus large qui est que les médicaments de qualité inférieure ou falsifiés présentent un réel danger pour la santé publique, sans nécessairement porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Pire encore, de nouvelles mesures anti-contrefaçon pourraient au contraire empêcher la production et le commerce à bas prix des médicaments génériques.

La santé publique doit primer sur les intérêts commerciaux

Oxfam appelle les pays riches à abandonner leur position centrée sur la protection de la propriété intellectuelle et à fournir au contraire des fonds pour soutenir la réglementation des médicaments dans les pays pauvres.

Pour Rohit Malpani d'Oxfam, "les pays pauvres sont confrontés à la prolifération de médicaments de mauvaise qualité ou falsifiés qui peuvent nuire ou même tuer ceux qui les utilisent".

"Pourtant, plutôt que d'aider les pays pauvres à offrir des médicaments sûrs, efficaces et de qualité pour tous, les pays riches donnent la priorité aux intérêts commerciaux au détriment de la santé publique dans ces pays."

"L'Union européenne et les États-Unis continuent à se concentrer presque exclusivement sur l'élimination des médicaments contrefaits. Pourtant, ces derniers ne représentant qu'une petite partie de ce problème de santé publique, mais c’est  un grave sujet de préoccupation pour leurs multinationales. Ils ont profité de ce véritable problème dans les pays en développement pour faire pression en faveur de nouvelles règles de propriété intellectuelle qui vont augmenter les profits des géants pharmaceutiques, au détriment des médicaments abordables pour les plus pauvres. "

Acta et Impact : deux initiatives particulièrement nocives

L'Union européenne est particulièrement coupable d'avoir favorisé des niveaux plus stricts de protection de la propriété intellectuelle qui limitent l'accès aux médicaments. Dans de nombreux cas, ces efforts ont été soutenus - à la fois tacitement et ouvertement - par l'industrie pharmaceutique mondiale.

Le rapport met en exergue plusieurs de ces initiatives nocives, y compris l'Accord commercial anti-contrefaçon (Acta), la pression de l'industrie à modifier les lois de propriété intellectuelle au Kenya et en Thaïlande, et la négociation continue de nouvelles mesures anti-contrefaçon à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) grâce à une initiative connue sous le nom d'Impact (Groupe spécial international anti-contrefaçon de produits médicaux).

Rohan Malpani ajoute : "Alors que les pays pauvres luttent pour que leurs populations aient accès à des médicaments de qualité, il est scandaleux que les pays riches et les entreprises pharmaceutiques poussent des "solutions" qui feront plus de mal que de bien aux patients et à la santé publique. Il est essentiel que les pays pauvres ignorent la pression des pays riches et se concentrent sur des solutions qui assureront la qualité et l’accessibilité des médicaments. Les pays pauvres doivent continuer à lutter contre les efforts visant à introduire de nouvelles règles de propriété intellectuelle, ils doivent aussi trouver des moyens pour à la fois investir et attirer des investissements pour créer des autorités de régulation compétentes".

En savoir plus

Lire le rapport : Rester vigilant : une réglementation des médicaments est mieux à même d'offrir des médicaments de qualité que le respect des droits de propriété intellectuelle

Campagne d'Oxfam sur la Santé et l'Education

Rather than help poor countries address the problem to ensure safe, effective and quality medicines for all, rich countries are putting commercial interests ahead of public health in these countries.
Rohit Malpani
Oxfam senior policy adviser

Notes aux rédactions

  • Les médicaments de qualité inférieure sont des médicaments qui ne remplissent pas les critères ou les spécifications scientifiques telles que définies par l’OMS. Ils peuvent contenir un mauvais type ou une concentration inadéquate d’un ingrédient, ou peuvent avoir été endommagés pendant leur production, et devenir ainsi inefficaces ou dangereux.
  • Les médicaments falsifiés sont des médicaments dont l’identité, la source ou l’historique de production sont déformées. De tels produits peuvent être falsifiés, ou faux, en termes de composition ou d’ingrédients, ou leurs étiquettes peuvent présenter des informations inexactes.
  • Les médicaments contrefaits sont des produits qui impliquent une violation pénale  d’une marque de fabrique. Seule une partie des médicaments falsifiés ou de pauvre qualité dans les pays en développement répondent à cette définition (contrefaçons). De fait, les mesures anti-contrefaçons feront peu pour répondre au défi de santé publique que représente la prolifération des médicaments de mauvaise qualité.

Contact

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