Dans la tourmente au Burkina Faso : le combat des femmes déplacées

Au cours de la dernière année, des groupes armés ont dévasté des villages dans le nord et l’est du Burkina Faso, faisant fuir plus de 750 000 personnes.

Pour Mariam, Fatoumata et Huguette, comme pour les milliers de femmes déplacées et intervenantes du Burkina Faso, les ressources doivent augmenter drastiquement pour venir en aide à 2,2 millions de personnes et faire face à un nouveau danger : le risque de propagation du coronavirus.

Au cours de la dernière année, des groupes armés ont dévasté des villages dans le nord et l’est du Burkina Faso, faisant fuir plus de 840 000 personnes, dont 84% sont des femmes et des enfants.

Dans leur fuite, ces femmes ont tout perdu : leur maison, leur travail, leurs rêves et souvent même leurs proches, leur mari, leur frère, tué ou enlevé. Plusieurs portent les cicatrices de violences. Elles luttent aujourd'hui pour leur survie, celle de leurs enfants et de leurs communautés. Elles doivent aussi faire face à l'apparition d'un nouveau danger : le risque de propagation du coronavirus.

Dans la province de Sanmatenga, nous avons rencontré deux d’entre elles : Mariam* et Fatoumata*. Deux survivantes déplacées qui,  tous les jours, la peur au ventre et  avec peu de moyens, trouvent le courage d’avancer, soutenues par Huguette, une ingénieure en eau et assainissement.

« Je ne voulais pas être une victime de plus, j’ai préféré fuir. »

Mariam, 25 ans et mère d’un enfant, a fui son village près de Dablo, au centre-nord du Burkina Faso.

« Mon rêve c’était d’avoir le bac. Je suis devenue mère au lycée mais je me suis accrochée et je suis allée jusqu’en seconde, mais en avril ils ont fermé l’école à cause de l’insécurité et il n’y a plus jamais eu cours. »

Mariam

Mariam*, 25 ans et mère d’un enfant, a fui son village près de Dablo, au centre-nord du Burkina Faso en laissant derrière elle l’ambition d’une vie : terminer ses études.

Sur le site de personnes déplacées de Kaya, elle côtoie plus de 2000 compatriotes qui se partagent le peu de ressources que les organisations humanitaires ont pu distribuer.  Mais avec une augmentation de 1 200 pour cent de personnes déplacées en une année, les ressources ne suffisent plus.

« Nous avons besoin de tout, d’eau, de nourriture, d’abris. » explique Mariam.

Avec son bébé à charge, Mariam est confrontée à la réalité du quotidien difficile. Pour survivre, elle essaie de faire la lessive en ville pour des familles, ou de piler le mil ou le sorgho pour quelques sous. 

« Je dois rationner le repas du midi si je veux qu’il reste quelque chose à manger le soir, explique-t-elle. Il n’y pas de bois de chauffe pour cuisiner et j’ai peur quand je dois aller en chercher dans la brousse, je ne me sens pas en sécurité. »

« Depuis l’agression au village, la peur ne me quitte plus. »

Fatoumata, 31 ans, est mère de cinq enfants. Elle a fui la violence des groupes armés qui se sont emparés de son village.

« Si je pars chercher de l’eau à 7h du matin, je dois faire la queue sous le soleil jusqu’à midi minimum et le peu d’eau collectée ne permet même pas de répondre aux besoins de ma famille pour la journée. »

Fatoumata

Fatoumata*, 31 ans, est mère de cinq enfants. Elle a fui la violence des groupes armés qui se sont emparés de son village, à quelques kilomètres seulement du site de Pissila où elle a trouvé refuge avec sa famille.

Au village, Fatoumata vivait paisiblement d’agriculture et d’élevage. En saison sèche, elle cultivait feuilles et tomates. Mais elle a tout perdu en fuyant pour sauver sa vie.

Le camp pour personnes déplacées de Pissila, au Burkina Faso.

Par désespoir, elle a essayé de retourner chez elle mais elle a été confrontée à la violence des groupes armés qui ont battu sa mère sous ses yeux.

Sur le site de Pissila, Fatoumata a reçu un peu d’aide alimentaire qui ne suffit pas et un kit d’hygiène. Mais sous le soleil sahélien brûlant, l’accès à l’eau reste le principal défi.

« Personne ne devrait avoir à survivre comme cela. »

Huguette, ingénieure en eau et assainissement

Huguette Yago est ingénieure en eau et assainissement pour l’Association pour la gestion de l’environnement et le développement (AGED), un partenaire d’Oxfam. Elle supervise huit animateurs qui interviennent chaque jour sur le site de Pissila, sensibilise les personnes déplacées sur l’hygiène, et a mis en place  des groupes de volontaires parmi les personnes déplacées qui entretiennent les latrines.

« Sans eau, on ne peut rien faire et toutes les tentatives de forage jusqu’ici n’ont rien donné. Il n’y a pas de mystère, pour qu’il y ait de l’hygiène, il faut qu’il y ait de l’eau. »

Huguette

Huguette a toujours voulu travailler dans l’humanitaire mais les conditions sont difficiles, surtout pour les femmes. « Les femmes disent que pendant leurs règles elles n’ont pas de pagnes, de tampon. Même le savon manque. » déplore-t-elle.

Dans ce contexte de grande fragilité, le risque d’épidémie est très important et aurait des conséquences désastreuses dans ces zones où vivent des milliers de personnes vulnérables et où les services de santé sont débordés et souvent trop chers pour ceux qui ont tout perdu dans leur fuite.

Huguette sensibilise les femmes à l’hygiène sur le site des personnes déplacées de Pissila.

Pour Mariam, Fatoumata et Huguette, comme pour les milliers de femmes déplacées et intervenantes du Burkina Faso, les ressources doivent augmenter drastiquement pour venir en aide à 2,2 millions de personnes avant la fin de l’année.

Et avec les charrettes, motos et tricycles  qui déversent quotidiennement de nouvelles vagues de personnes déplacées, bientôt le courage ne suffira plus. Il y a urgence.

*Prénoms modifiés


Photos: Sylvain Cherkaoui/Oxfam