Face à la menace imminente d’une crise mondiale de l'eau, seulement un quart des plus grandes entreprises agroalimentaires déclarent réduire leur consommation et leur pollution de l'eau

Publié: 21st mars 2024


Seulement 28 % des entreprises mondiales les plus influentes du secteur agroalimentaire déclarent qu’elles sont en train de réduire leurs prélèvements d'eau, et seulement 23 % affirment prendre des mesures pour réduire la pollution de l'eau. La nouvelle analyse d'Oxfam, publiée à l’occasion de la Journée mondiale de l'eau (le 22 mars), porte sur 350 entreprises et exploite des données de la World Benchmarking Alliance.

D’après les estimations des Nations Unies, qui ont organisé l’année dernière la première grande conférence sur l’eau depuis plus de 45 ans, deux milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, et jusqu’à trois milliards de personnes font face à des pénuries d’eau pendant au moins un mois par an.

Les 350 entreprises incluses dans l’étude, parmi lesquelles se trouvent Carrefour et le Groupe Avril, comptabilisent conjointement plus de la moitié des recettes mondiales de l'alimentation et de l'agriculture. 70 % des prélèvements d’eau douce sont utilisés pour l'agriculture qui est de loin le secteur mondial qui consomme le plus d’eau. L’agriculture industrielle joue un rôle majeur dans la pollution de l’eau.

L’étude d’Oxfam a également révélé que seulement 108 des 350 entreprises étudiées communiquent sur la proportion des prélèvements qu’elles ont faits dans des zones de stress hydrique.

« Lorsque de grandes entreprises polluent ou consomment d’immenses quantités d’eau, ce sont les communautés qui en paient le prix par des puits asséchés, des factures d’eau plus élevées et des sources d’eau contaminées et imbuvables. La réduction des ressources en eau va de pair avec l’augmentation de la faim, des maladies et des déplacements forcés », dénonce Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France.

« Il est clair que nous ne pouvons pas compter sur la bonne volonté des entreprises pour modifier leurs pratiques. Les gouvernements doivent prendre des mesures publiques afin de contraindre les entreprises à s’amender et donner la priorité à la protection des biens publics collectifs plutôt qu’à la soif de profit », estime-t-elle.

L’eau et la richesse sont intrinsèquement liées. Les riches ont plus facilement accès à l’eau potable publique et plus de moyens pour se procurer l’eau coûteuse du secteur privé, tandis que les personnes en situation de pauvreté, qui n'ont souvent pas accès à des sources d'eau garanties par le gouvernement, dépensent une part importante de leurs revenus pour acheter de l'eau.

Le marché en plein essor de l'eau en bouteille illustre comment les géants du secteur commercialisent et exploitent l'eau, ce qui en entraîne une aggravation des inégalités, de la pollution et des dommages. D’après les Nations Unies, le marché de l’eau en bouteille, estimé à des centaines de milliards de dollars, entrave la réalisation du sixième objectif de développement durable (ODD6) de garantir l’accès de tous et toutes à l’eau potable.

En mai 2023, les autorités françaises ont imposé des restrictions sur l’usage de l’eau pendant une durée de deux mois à des milliers de personnes vivant dans le département du Puy-de-Dôme touché par une sécheresse, notamment à la commune de Volvic. Pendant cette période, les restrictions ne s’appliquaient pas à la Société des Eaux de Volvic, filiale de la multinationale française Danone, qui a continué à pomper des eaux souterraines pour alimenter son usine d'embouteillage de Volvic. Danone a réalisé 881 millions d’euros de profits en 2023 et versé 1 238 millions d’euros à ses actionnaires.

L'augmentation des températures mondiales réduira encore plus la disponibilité de l'eau dans de nombreux pays qui en manquent, notamment en Afrique de l'Est et au Moyen-Orient, en raison de la fréquence accrue des sécheresses et des changements dans les schémas de précipitations et de ruissellement.

Oxfam a constaté directement le défi quotidien de l’accès à l’eau pour les populations qui passent des heures interminables à faire la queue, parcourent de longues distances pour s’en procurer, ou développent des problèmes de santé dus à l’utilisation d’eau contaminée. Ainsi, au camp de transit Renk situé au Soudan du Sud, plus de 300 personnes partagent désormais un seul robinet d'eau, ce qui accroît les risques de choléra et d'autres maladies. L’année dernière Oxfam signalait que jusqu’à 90 % des puits de forage dans certaines régions de la Somalie, du nord du Kenya et du sud de l'Éthiopie étaient totalement à sec.

Oxfam appelle les États à :
 

  • Reconnaître l’eau comme bien public et l’accès à l’eau comme un droit humain. La quête de profit ne peut pas prendre le pas sur l’accès des populations aux services liés à l’eau.
     
  • Contraindre les entreprises à rendre des comptes pour leurs abus et leurs violations des droits humains et de l'environnement, notamment via la contamination de l'eau.
     
  • Investir dans la sécurité hydrique, l'approvisionnement public et subventionné en eau, la gestion durable de l'eau, et le développement de services d'eau, d'assainissement et d'hygiène (WASH) résilients sur le plan climatique. Ils doivent également inclure le leadership, la participation et la prise de décision des femmes dans toutes les étapes de la planification et de l’élaboration des politiques nationales relatives aux services WASH.
     

Notes aux rédactions

Les données analysées par Oxfam portant sur 350 des entreprises agroalimentaires les plus influentes proviennent de la World Benchmarking Alliance. La méthodologie Nature Benchmark peut être téléchargée.

La Conférence des Nations Unies sur l'eau 2023 a été la première conférence de l’ONU sur l’eau depuis 46 ans.

D’après l’ONU, 2 milliards de personnes (soit 26 % de la population mondiale) sont privées d’accès à l’eau potable, et entre deux et trois milliards de personnes dans le monde sont confrontées à des pénuries d’eau pendant au moins un mois par an.

D’après la Banque mondiale, à l’échelle de la planète, 70 % en moyenne des prélèvements d’eau douce sont destinés à l’activité agricole

Le mois dernier, Oxfam a signalé que 300 personnes étaient contraintes de partager un seul robinet à Renk, au Soudan du Sud. Avec ses partenaires, Oxfam a fourni de l'eau potable et des installations sanitaires à plus de 70 000 personnes dans les camps de transit, mais elle a besoin en urgence de 7 millions de dollars pour accélérer ses opérations et fournir à 400 000 personnes des denrées alimentaires, de l'eau potable et des installations sanitaires d’urgence.

L’année dernière, Oxfam a averti que jusqu’à 90 % des puits de forage dans certaines régions de la Somalie, du nord du Kenya et du sud de l'Éthiopie étaient totalement à sec.

Les ingénieur·es en eau d’Oxfam doivent forer des puits plus profonds, plus coûteux et plus difficiles à entretenir pour approvisionner en eau certaines des communautés les plus pauvres du monde. Malheureusement, les réservoirs sont maintenant le plus souvent asséchés, presque vides ou pollués.

En mai 2023, les autorités françaises ont imposé des restrictions sur l’usage de l’eau pendant une durée de deux mois à des milliers de personnes vivant dans le département du Puy-de-Dôme, notamment à la commune de Volvic. La Société des Eaux de Volvic, filiale de Danone, est autorisée à pomper jusqu'à 2 514 milliards de litres d’eau par an.

En 2023, une étude publiée par l'Université des Nations Unies portant sur 109 pays a conclu que la croissance de l'industrie de l'eau en bouteille entravait les efforts visant à fournir de l'eau potable à toutes et tous. L’ODD6 vise à garantir l’accès de tous et toutes à l’eau potable.

Téléchargez le rapport d’Oxfam intitulé Les dilemmes de l’eau pour en savoir plus sur les effets des changements climatiques sur l’accès à l’eau.
 

Contact

Annie Thériault au Pérou | annie.theriault@oxfam.org | +51 936 307 990
Marika Bekier en France | mbekier@oxfamfrance.org | +33 6 24 34 99 31

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