Salaires de misère et atteintes aux droits de la main-d’œuvre : des pratiques courantes dans les exploitations agricoles liées à la grande distribution 

Publié: 9th octobre 2019

Salaires de misère, conditions de travail difficiles et discriminations fondées sur le genre sont très répandus dans les exploitations agricoles et les plantations fournissant du thé, des fruits et des légumes à des enseignes de la grande distribution comme Lidl, PLUS et Whole Foods, selon une nouvelle recherche publiée aujourd’hui par Oxfam.

Celle-ci, comprenant des entretiens approfondis avec des travailleuses et des travailleurs aux États-Unis, en Inde et au Brésil, souligne comment l’intarissable soif des détaillants pour des coûts toujours plus bas et un maximum de profits alimente la pauvreté et les abus dans leurs chaînes d’approvisionnement.

  • Des entretiens menés auprès de la main-d’œuvre dans 50 plantations de thé de l’Assam, en Inde, révèlent que les cas de choléra et de typhoïde se multiplient à cause d’un accès insuffisant à des toilettes et à de l’eau potable. La moitié des personnes interrogées reçoivent des cartes de rationnement « Sous le seuil de pauvreté » de la part du gouvernement, car les salaires sont dérisoires, et les travailleuses (qui exercent souvent les emplois les moins rémunérés et avec la plus grande intensité de main-d’œuvre) s’échinent régulièrement pendant 13 heures par jour. Aldi Nord, Edeka, Lidl, Rewe et Whole Foods s’approvisionnent en thé dans la région de l’Assam. Des détaillants comme Aldi SÜD, Costco, Morrisons, Sainsbury’s et Tesco s’approvisionnent en thé auprès de sociétés dont les fournisseurs font partie des plantations visitées par les personnes chargées de cette recherche. Walmart et Kroger n’ont ni démenti ni confirmé avoir des liens avec ces plantations.
     
  • Dans le nord-est du Brésil, les chercheuses et les chercheurs ont trouvé des preuves de pauvreté parmi la main-d’œuvre affectée aux récoltes dans des exploitations de raisin, de melon et de mangue fournissant Lidl, Sainsbury's et Whole Foods (ainsi que Morrisons, PLUS et Tesco jusqu’à récemment). Aldi Nord, Edeka, Kroger et Walmart n’ont ni démenti ni confirmé avoir des liens avec ces plantations. Des femmes avec enfants, qui ne sont pas en mesure de parcourir de longues distances pour travailler ailleurs, déclarent n’avoir d’autre choix que de s’en remettre à l’aide de proches ou du gouvernement pour nourrir leur famille en dehors de la saison des récoltes. Il est également fait mention d’allergies et de maladies graves de la peau résultant de la manipulation de pesticides et autres produits chimiques sans protection appropriée.
     
  • En Caroline du Nord (États-Unis), des personnes employées dans des exploitations de patate douce fournissant Whole Foods ont déclaré travailler jusqu’à 14 heures par jour dans une chaleur étouffante avec seulement quelques pauses, et souvent avec un accès très limité à des toilettes. Beaucoup indiquent recevoir un faible salaire et n’osent pas en parler par crainte de perdre leur emploi.
     
  • Une nouvelle enquête menée auprès de la main-d’œuvre d’exploitations agricoles et de plantations dans des pays comme le Costa Rica, l’Équateur, le Pérou, les Philippines et les États-Unis, également publiée aujourd’hui, vient encore étoffer la somme de preuves quant à l’omniprésence des faibles salaires et des abus dans le secteur alimentaire. Les trois quarts de la main-d’œuvre interrogée déclarent ne pas toucher une rémunération suffisante pour couvrir leurs besoins de base comme l’alimentation et le logement. Plus d’un tiers des personnes interrogées affirment ne pas être protégées contre les blessures ou les dommages au travail et ne pas pouvoir prendre de pause pour aller aux toilettes ou boire de l’eau lorsqu’elles en ont besoin.  
         

Selon Winnie Byanyima, Directrice générale d’Oxfam International :

« La grande distribution s’adjuge la part du lion de ce que nous payons à la caisse, tandis que les travailleuses et les travailleurs qui triment des heures durant pour cultiver et récolter le thé, les fruits et les légumes sont si peu rémunérés qu’ils ne peuvent même pas nourrir leur propre famille. » 

Une nouvelle analyse réalisée par Oxfam révèle que la grande distribution prélève une part toujours plus importante du prix payé par les client-e-s, dont une proportion non négligeable finit dans les poches de riches actionnaires et propriétaires. Aux États-Unis, la grande distribution et les marques de thé captent près de 94 % du prix d’une boîte de thé noir, tandis que moins de 1 % revient à la main-d’œuvre des plantations de thé. Au Royaume-Uni, la grande distribution et les marques de thé touchent 49 pence sur un sachet de thé noir vendu 74 pence, contre à peine 3 pence pour l’ensemble de la main-d’œuvre. Enfin, en Allemagne, la grande distribution et les marques de thé s’attribuent 2,15 € sur une boîte de thé coûtant 2,48 €, alors que la main-d’œuvre n’en touche que 0,03 €.

La grande distribution a augmenté la part du prix qu’elle prélève sur un panier de 12 articles de la vie quotidienne d’une moyenne de 43,5 % en 1996-1998 à 48,3 % en 2015. Sur la même période, la part revenant à la main-d’œuvre a chuté de 8,8 % à 6,5 %.

Toutefois, clients et investisseurs font de plus en plus pression sur les détaillants pour qu’ils agissent. Par exemple, 50 investisseurs dont les actifs cumulés représentent près de 3 100 milliards de dollars ont diffusé aujourd’hui une déclaration appelant les enseignes de la grande distribution à publier des informations sur la provenance de leurs produits et à s’attaquer aux violations des droits humains perpétrées dans leurs chaînes d’approvisionnement.

« La grande distribution doit être plus transparente quant à la provenance des produits et s’assurer que ses pratiques d'achat n’alimentent pas la pauvreté et les abus, que la main-œuvre dans ses chaînes d’approvisionnement reçoit un salaire décent et peut travailler dans des conditions sûres et dignes, et que les travailleuses ne sont pas victimes de discriminations », ajoute Mme Byanyima.  

 

Notes aux rédactions

Les supports suivants sont disponibles :

  • Le rapport de campagne « Workers Rights in Supermarket Supply Chains » et les conclusions détaillées des recherches concernant l’Inde, les États-Unis et le Brésil sont disponibles. Les enseignes de la grande distribution ont reçu les résultats des recherches en amont de la publication et ont bénéficié d’un droit de réponse. 
     
  • Informations supplémentaires sur les résultats de l’enquête mondiale auprès de la main-d’œuvre. Des partenaires d’Oxfam et Banana Link ont interrogé 530 employé-e-s d’exploitations agricoles et de plantations dans six pays.
     
  • Photos et études de cas sur la main-d’œuvre d’exploitations agricoles et de plantations en Inde, aux États-Unis et au Brésil.
     

La campagne d’Oxfam Derrière le code-barres note et classe 16 détaillants d’après leurs résultats en matière de lutte contre la pauvreté et les abus dans leur chaîne d’approvisionnement. D’après la dernière évaluation, publiée en juillet 2019, même si certains détaillants commencent à faire évoluer leurs pratiques, les progrès sont parcellaires et lents, et aucune entreprise n’en fait assez, loin de là, pour protéger les droits des personnes qui produisent ce que nous mangeons.
 

Albertsons, Costco, Kroger, Walmart et Whole Foods sont des enseignes de la grande distribution aux États-Unis ; Aldi Nord, Aldi SÜD, Edeka, Rewe et Lidl sont allemands ; Morrisons, Sainsbury’s et Tesco sont britanniques et Ahold Delhaize, Jumbo et PLUS sont néerlandais. Bon nombre de ces enseignes de la grande distribution opèrent à l’international.

Contact

Anna Ratcliff: anna.ratcliff@oxfam.org or +44 7796993288

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